Mellin de Saint-Gelais (1491-1558)

Chanson des Astres



La Tramontane ha bien sondé
Le lieu où son cœur ha fondé;
Car elle est immuable,
Et son cours est tant arresté
Qu'il n'est point variable.

Endimion, par fermeté,
De bien aymer s'est acquitté;
Aussi la lune claire
Cognoist bien qu'il ha mérité
Qu'on lui doive complaire.
 
Le descours d'elle va baissant
Et l'amour de luy va croissant,
Sans se pouvoir deffaire.
S'il l'eust veue en son beau croissant
Pensez qu'il eust pu faire.
 
L'Aurore qui plaist à tous yeulx
Ha bien sceu choisir pour le mieulx
Le Soleil tant louable;
Car c'est l'endoict de tous les cieux
Qui est le plus aymable.
 
Vesper qui fut si belle à voir
Se retire fort sur le soir.
Si sa clairté se passe
Je crains qu'elle ne puisse avoir
Le bien qu'elle pourchasse.

O combien de regret aura
Rhéa, quand seule on la lairra
Entre Noël et Pasques !
Car Demogorgon s'en ira
Le chemin de Saint-Jacques.
 
Virgo, qui n'a semblable à soy,
Signe de paix, d'amour et foy,
Est tant belle et honneste
Qu'elle fera des yeux d'un Roy
Bientost digne conqueste.
 
Calisto pour digne guerdon
D'avoir de Jupiter le don,
Fut au ciel transformée;
Mais l'autre luy donne le bon,
Car elle est mieux aymée.

Juno régente au firmament
Ne scait plus quel contentement
Resjouit plus son âme
De demeurer si haultement
Sœur de deux et d'un femme.
 
L'arc en ciel qui boire souloit
En toutes eaux où il alloit,
Maintenant se transforme
En Iris, qui tant le vouloit
Qu'elle aussy prend sa forme.

L'estoile qui n'a changement
Est adorée sainctement:
Le sainct qui la contemple
Vouldroit pour son contentement
La veoir luire en un temple.
 
Cybele sage vouldroit bien
Que son Saturne fust tout sien;
Mais elle ne peut mye
Divertir le cueur ancien
De luy et de s'amye.
 
L'Ourse mineur le jour attend
Que son esprit sera content.
Elle sçaura conduire
Sagement ce qu'elle prétend;
Car Phœbus luy veut luyre.
 
Mais que seroient bien devenus
Ariès et Capricornus ?
Gemini qui les dompte
Les ha rendus si bien cogneus
Qu'ils se cachent de honte.

La grand' Comète qui reluyct
Menace le jour et la nuict
La mort et fin dévie
De Polyphemus, qui se dict
L'avoir si bien servie.
 
Le Séraphin vole évident
Par l'orient, par l'occident,
Et jamais ne s'arreste.
C'est par heur ou par accident
S'il faict quelque conqueste.

Une autre comète apparoist
Laquelle à veoir on jugeroit
(Bien qu'elle soit peu creue)
Que pourtant contente seroit
D'avoir une grand' queue.
 
Venus, planette de beaulté,
A bon droict donne sa clairté
A Mars amy propice;
Mais Vulcan est si mal traicté
Qu'elle luy faict eclypse.
 
Libra qui poise la vertu
D'ond son Pisces est revestu,
Ne peult estre si forte
Que l'aultre ne soit abattu;
Car Cynthia l'emporte.
 
Thetis qui d'un traict de ses yeux
Faisoit mouvoir hommes et dieux
Partout cherche fortune,
Pour hors du tourment odieux
Retirer son Neptune.

Ce petit troupeau bien plaisant
Tout en un cercle reluysant
Pour nommer sa lumière,
Je ne luy sçay nom bien duisant
Si non la poulsinière
 
La planette en qui je suis né
Et soubs qui je suis destiné
Faire perte ou conqueste
Me peult rendre aussi fortune
Qu'elle est belle et honneste.


 


Mellin de Saint-Gelais

 

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