Ô délices d'amour, et toi, molle paresse,
Vous aurez donc usé mon oisive jeunesse !
Les belles sont partout. Pour chercher les beaux-arts,
Des Alpes vainement j'ai franchi les remparts:
Rome d'amours en
foule assiége mon asile.
Sage vieillesse, accours ! Ô déesse tranquille,
De ma jeune saison éteins ces feux brûlants,
Sage vieillesse ! Heureux qui dès ses premiers ans
A senti de son
sang, dans ses veines stagnantes,
Couler d'un pas égal les ondes languissantes;
Dont les désirs jamais n'ont troublé la raison;
Pour qui les yeux n'ont point de suave poison; ≈≈
Au sein de
qui jamais une absente perdue
N'a laissé l'aiguillon d'une trop belle vue;
Qui, s'il regarde et loue un front si gracieux,
Ne le voit plus sitôt qu'il n'est plus sous ses yeux !
Doux et cruels tyrans, brillantes
héroïnes,
Femmes, de ma mémoire habitantes divines,
Fantômes enchanteurs, cessez de m'égarer.
Ô mon coeur ! ô mes sens ! laissez-moi respirer;
Laissez-moi, dans la paix et l'ombre solitaire,
Travailler à loisir quelque oeuvre noble et fière
Qui, sur l'amas des temps propre à se maintenir,
Me recommande aux yeux des âges à venir.
Mais non ! j'implore en vain un repos favorable;
Je
t'appartiens, Amour, Amour inexorable;
Et tu ne permets pas à ton esclave amant
De pouvoir loin de toi se distraire un moment.