Christine de Pisan (1364-1430)
Recueil : Jeux à Vendre

Jeux à Vendre

Jeux à Vendre

 

01. Je vous vens la passerose
02.  la fueille tremblant   
03.  la paternostre    
04.  le papegay    
05.  la fleur de mellier   
06.  l'esparvier apris   
07.  le vert muguet    
08.  Du dieu d'amours vous vens le dart   
09.  Du pré d'Amours vous vens l'usage   
10.  Je vous vens la fleur de lis   
11. du rosier la fueille
12.  la turterelle    
13.  le cerf voulant    
14.  le chappel de saulx   
15.  la harpe et la lire   
16.  les gans de laine   
17.  la fleur de parvanche   
18.  la rose amatie    
19.  le pont qui se haulce   
20.  le panier d'ozier   
21. l'oisellet en cage
22.  le vers chapellet   
23.  la clere fontaine   
24.  le chappel de soie   
25.  le cuer du lion    
26.  la couldre qui ploie   
27.  l'anelet d'or fin   
28.  D'un esparvier vous vens la longe   
29.  Je vous vens le coulomb ramage   
30.  le songe amoureux   
31. l'aloe qui vole
32.  l'espée de guerre   
33.  la fleur d'acolie   
34.  la branche d'olive   
35.  la fleur d'ortie   
36.  le chapel de bievre   
37.  la rose de may    
38.  la fleur de seür   
39.  la violete    
40.  le blanc corbel    
41. l'aloue volant
42.  le dyamant    
43.  le tourret de nez   
44.  la marjoleine    
45.  la fueille de houx   
46.  la blonde tresce   
47.  le souspir parfont   
48.  le blanc orillier   
49.  la voulant aronde   
50.  Du blanc pain vous vens la mie   
51. Je vous vens la rose d'Artois
52.  la colombelle    
53.  le blanc cueuvrechief   
54.  de soye le laz    
55.  l'anelet d'argent   
56.  la fleur de glay   
57.  la perle fine    
58.  Je ne vens ne donne les yeulz   
59.  Chascun vous vens, mais je vous vueil donner
60.  Je vous vens la fleur de peschier   
61. du rosier la branche
62.  d'Amours la prison   
63.  la rose vermeille   
64.  plein panier de flours   
65.  la feuille de tremble   
66.  Le saphir vous vens d'Orient   
67.  Flours vous vens de toutes couleurs  
68.  Je vous vens le levrier courant   
69.  la fleur mipartie   
70.  l'escrinet tout plein.   

 

 

1

Je vous vens la passerose.
Belle, dire ne vous ose
Comment Amours vers vous me tire,
Si l'apercevez tout sanz dire.


2

Je vous vens la fueille tremblant.
Maint faulx amans, par leur semblant,
Font grant mençonge sembler voire,
Si ne doit on mie tout croire.  


3

Je vous vens la paternostre.
Vous scavez bien que je suis vostre,
Ne oncques a autre ne fus,
Si ne faittes de moy reffus,
Belle que j'aim, mais sanz demour
Me vueilliez donner vostre amour.

4

Je vous vens le papegay.
Vous estes bel et bon et gay,
Sire, et en tous cas bien apris;
Mais oncques a amer n'appris,
Encore n'y sçaroie aprendre
N'a amer par amours me prendre.

5

Je vous vens la fleur de mellier.
Sire joly chevalier,
Telle pour vous souvent souspire
Qui vous aime et ne l'ose dire.


6

Je vous vens l'esparvier apris.
Bien vouldroie estre de tel pris,
Qu'aucune damoiselle ou dame
Me daignast amer, car, par m'ame,
A mon pouoir la serviroie
Tant que s'amour desserviroie.


7

Je vous vens le vert muguet.
Mesdisans sont en agait,
Amis, pour nous agaitier;
Si querez autre sentier
Quant vers moy venir devrez
Et l'eure sonner orrez.  


8

Du dieu d'amours vous vens le dart
Qui m'a navré par le regart
De voz beaulx yeulx, dame jolie,
Qui a vous amer si me lie
Que j'en seray a mort livré
Se par vous ne suis delivré.  


9

Du pré d'Amours vous vens l'usage.
Pas n'apert a vostre visage
Que vous soiez d'amours malade;
Car la maladie est moult sade
Dont le visage en riens n'empire,
Mais tel n'a nul mal qui souspire.


10

Je vous vens la fleur de lis.
Vray amant doit estre jolis,
Sage, courtois et bien apris,
Amer honneur, armes et pris,
Loial, secret et sanz amer,
Qui tel l'a bien le doit amer.

 

11

Je vous vens du rosier la fueille.
Je pri au dieu d'amours qu'il vueille
Briefment m'ottroier tant de grace
Qu'acquerir puisse vostre grace.  


12

Je vous vens la turterelle.
Seulete et toute a par elle
Sanz per s'envole esgarée,
Ainsi suis je demourée,
Dont jamais je n'aray joye
Pour nulle chose que j'oye.  


13

Je vous vens le cerf voulant.
De bien amer ne soiez lent,
Amis, car vous avez amie
Qui talent d'autre amer n'a mie;
Si lui soiez vrais et entiers,
Car elle vous aime sanz tiers.  


14

Je vous vens le chappel de Saulx.
S'Amours vous prent par ses assaulx,
Dame jolie et gracieuse,
Ne soiez nul jour envieuse
De voz loiaulx amours fausser,
Pour abaissier ne pour haulcer.
Se vous estes dame clamée
De vostre ami et bien amée,
Tenez vous y; j'ay ouï dire
Que qui plus change plus s'empire.


15

Je vous vens la harpe et la lire.
Vraie amour si m'a fait eslire
Vous seule pour dame et maistresse,
Belle, or me mettez en l'adrece
De joye avoir, et a mon dit
Vous accordez sanz contredit.  


16

Je vous vens les gans de laine.
Je seroie trop villaine
Se vostre amour reffusoie;
Car volentiers si j'osoie
Seroit en vous m'amour fermée
Par si que de vous fusse amée,
Car vous estes digne d'avoir
D'Heleine le corps et l'avoir.  

17

Je vous vens la fleur de parvanche.
N'aiez pas le cuer en la manche,
Amans de bonne volenté,
Hardiement joye et santé
Requerez, mais loiaulz soiez
En quelque lieu que vous soiez,
Car se fausseté en vous maint
Des biens d'amours y perdrez maint.  


18

Je vous vens la rose amatie.
Vous avez vostre foi mentie
Vers Amours, dont vous valez mains,
De telz tours sçavez faire mains,
Si se fait bon des gens retraire
Qui sont a loiaulté contraire.  


19

Je vous vens le pont qui se haulce.
Dieux ! que vous semblez estre faulse,
Bien savoir conter et rabatre,
Et a maint l'eaue faire batre,
Et faire en vain cornars veillier
Et pour neant eulx traveillier,
Monstrer semblant de fort amer,
Sanz en sentir ne doulz n'amer.


20

Je vous vens le panier d'ozier.
On ne doit amer ne proisier
Homme qui de femme mesdie,
Ne le croire de riens qu'il die;
Si estes de ce renommé
Dont vous en estes moins amé.

 


21

Je vous vens l'oisellet en cage.
Se vous estes faulx c'est dommage,
Car vous estes et bel et doulz,
Si n'aiez telle tache en vous
Et digne serez d'estre amé,
Bel et bon et bien renommé.


22

Je vous vens le vers chapellet.
Nul amant ne peut estre let,
Mais que ses taches soient bonnes,
De loiaulté suive les bonnes,
Si sera digne que l'en l'aime
Et que sa dame ami le claime.


23

Je vous vens la clere fontaine.
Je voy bien que je pers ma peine,
Dame, de tant vous requerir;
Puis que riens n'y puis acquerir;
Qu'oncques vous vy l'eure maudi,
Je m'en vois et a Dieu vous di.


24

Je vous vens le chappel de soie.
Cuidiez vous qu'a pourveoir soie
D'ami plaisant, jeune et joly,
Qui de bon cuer m'aime et je li ?
Nanil voir; si pert bien sa peine
Qui de m'amour avoir se peine.


25

Je vous vens le cuer du lion.
Vostre cuer et le mien lion
A tousjours, mais sanz deslier,
Et pour nostre amour alier
Par vray serment le promettons
Et corps et avoir y mettons.


26

Je vous vens la couldre qui ploie.
En bien amer mon cuer emploie;
Je ne sçay se je suis amée,
Mais je ne doy estre blasmée
D'avoir mon cuer a cil donné
Qui sur tous est bien renommé.


27

Je vous vens l'anelet d'or fin.
Je pri a Dieu que male fin
Puissent tous ces mesdisans faire,
Qui se meslent d'autrui affaire;
Souvent esveilient jalousie,
Qui met pluseurs en frenesie.


28

D'un esparvier vous vens la longe.
Quant un amant plein de mençonge
Est et souvent parjur trouvé,
D'Amours doit estre reprouvé;
Car amant ne doit a sa dame
Mentir ne pour loz ne pour blasme.  


29

Je vous vens le coulomb ramage.
On scet assez bien vostre usage,
Assez sçavez du bas vouler
En faingnant plaindre et flajoler,
Et en mains lieux querir santé,
Dient ceulz qui vous ont henté.  


30

Je vous vens le songe amoureux,
Qui fait joyeux ou doulereux
Estre cellui qui l'a songié.
Ma dame, le songe que j'é
Fait anuit, ferez estre voir,
Se je puis vostre amour avoir.

 


31

Je vous vens l'aloe qui vole.
Vostre gracieuse parole,
Et vostre doulz et bel semblant,
Doulz ami, va mon cuer emblant.
Si ne vous puis plus escondire,
Car vostre suis sanz contredire.  

32

Je vous vens l'espée de guerre.
Que venez vous cy entour querre,
Sire, qui si bien savez faindre
Le loial amant et vous plaindre;
Par vous sont maintes barguignées,
Blanches, brunes, ou bien pignées;
Si alez hors de no dongier
Ailleurs voz roisins vendengier.  


33

Je vous vens la fleur d'acolie.
Je suis en grant melancolie,
Amis, que ne m'aiez changée;
Car vous m'avez trop estrangée,
Dittes m'en le voir, sanz ruser,
Sanz plus me faire en vain muser.  

34

Je vous vens la branche d'olive.
Ou monde n'a femme qui vive
Que je vueille servir fors vous.
Si me retenez donc sur tous,
Belle plaisant de moy cherie,
Ne soiez vers moy rencherie.


35

Je vous vens la fleur d'ortie.
Je suis d'amours bien sortie;
Car j'ay ami loial et bon,
A qui cuer, corps et amour don.


36

Je vous vens le chapel de bievre.
Jalousie vault pis que fievre;
Si ne croiez riens qu'on vous die
Qui vous traye a tel maladie,
Se voulez amours maintenir,
Gaiement et lié vous tenir.  


37

Je vous vens la rose de may.
Oncques en ma vie n'amay
Autant dame ne damoiselle
Que je fais vous, gente pucelle,
Si me retenez a ami,
Car tout avez le cuer de mi.  


38

Je vous vens la fleur de seür.
Je ne suis pas bien aseür
Que j'aye vostre amour ou non
Pour tant se d'ami ay le nom;
Car partout vostre belle chiere,
Ce me semble, envers nul n'est fiere.


39

Je vous vens la violete.
 De joye mon cuer volete,
Quant je voy vostre doulz vis
Sur tous bel a mon avis.  


40

Je vous vens le blanc corbel.
Vostre gracieux corps bel
Et vostre ris savoureux
Fait mon cuer estre amoureux.

 


41

Je vous vens l'aloue volant.
De bien amer n'avez talent;
Mais vous savez bien decevoir,
Pluseurs ne l'ont pas assavoir.  


42

Je vous vens le dyamant.
Sachiez que j'ay bel amant,
N'il n'est homme soubz les cieulx
A mon gré plus gracieux.  


43

Je vous vens le tourret de nez.
Gay et joli vous maintenez,
S'estre voulez renommé
Et des dames bien amé.  


44

Je vous vens la marjoleine.
Je tiens la dame a vilaine,
Se amant mercy lui crie
Et humblement la deprie,
De repondre rudement
Et lui mettre a sus qu'il ment.

45

Je vous vens la fueille de houx.
J'ay bel ami plaisant et doulx;
Dieu veuille qu'aussi bon soit il
Come il est bel, jeune et gentil.


46

Je vous vens la blonde tresce.
Ma trés gracieuse maistresse,
Que j'aim et crain et servir vueil,
Trés belle, plaisant, sanz orgueil,
Comandez moy, je suis tout prest
A vous obeïr sanz arrest.  


47

Je vous vens le souspir parfont,
Que mains faulz amans contrefont.
Telz gens fierent sanz deffier,
Si ne s'i doit on pas fier,
Car tel a assez souspiré
Qui n'est malade n'empiré.  


48

Je vous vens le blanc orillier.
Assez ne me puis merveillier
Comment Amours peut endurer
Fausseté si long temps durer
Qu'a peine qui veult esprouver
Puet on nullui loial trouver.


49

Je vous vens la voulant aronde.
Dame, la plus belle du monde,
Pour Dieu, aiez de moy pitié;
Car je muir pour vostre amitié.


50

Du blanc pain vous vens la mie.
Pour Dieu, ne m'oubliez mie
Quant je seray loing de vous,
A Dieu vous di, mon cuer doulz.

 


51

Je vous vens la rose d'Artois.
Amez honneur, soiez courtois,
Bien servez en toute saison,
Et des biens arez a foison.


52

Je vous vens la colombelle.
Dame qui tant estes belle,
Ne vueilliez avoir en despris
Vostre ami pour vostre grant pris,
Mais prenez son service en gré,
Si le mettrez en hault degré.

53

Je vous vens le blanc cueuvrechief.
Vostre amour met a grant meschief
Mon las cuer, qui toudis souspire
Pour vous, n'il n'est mal du sien pire.


54

Je vous vens de soye le laz.
Oncques vray amant ne fut las
De bien amer pour escondit,
On dit communement un dit:
Que qui bien puet souffrir il vaint;
Et ainsi l'ont esprouvé maint.  


55

Je vous vens l'anelet d'argent.
Vostre doulz gracieux corps gent,
Voz ris, voz yeulx, vo doulz chanter
Feroit les mors ressuciter;
Ne je ne suis pas souvenant
Qu'oncques veisse plus avenant.  


56

Je vous vens la fleur de glay.
Chantons, dançons, menons bon glay,
En despit de mesdisans
Qui aux amans sont nuisans.  


57

Je vous vens la perle fine.
Se par vous ma doulour ne fine,
Ma dame trés affinée,
Vous fustes pour ma fin née;  
Car Amours m'a si affiné
Que tost me verrez deffiné;
Mais mieulx vueil ma vie finer
Que d'ainsi languir ne finer.  


58

Je ne vens ne donne les yeulz
Beaulz et plaisans, doulz, gracieux,
De vo beau vis, qui m'ont attrait,
Doulce dame, par leur doulz trait,
Ainçois les retiens pour ma part;
Car par eulx tout mal de moy part.

59

Chascun vous vent, mais je vous veuil donner
Mon cuer, mon corps, et vous abandoner
Tout quanque j'ay, si n'en faites reffus,
Trés belle a qui suis et seray et fus.  


60

Je vous vens la fleur de peschier.
Je ne vous vueil mie empeschier;
Parler voulez secretement ?
Je m'en vois, a Dieu vous command.

 


61

Je vous vens du rosier la branche.
Oncques neige ne fu plus blanche,
Ne rose en may plus coulourée
Qu'est la beauté fine esmerée
De celle en qui entierement
Me suis donné tout ligement.  


62

Je vous vens d'Amours la prison.
S'oncques vers vous fis mesprison,
Pour Dieu, prenez moy a mercy,
Ma dame, je vous cry mercy,
Et je suis tout prest d'amender
Ce qu'il vous plaira commander.


63

Je vous vens la rose vermeille.
Amours me comande et conseille
Que je face de vous ma dame,
Dites moy, belle, par vostre ame,
Pourray je vostre amour avoir
Se je fais vers vous mon devoir ?


64

Je vous vens plein panier de flours.
On ne doit marchander d'amours,
On doit servir a l'aventure;
S'ainsi faites par aventure,
Des biens d'Amours arez assez,
Se vous n'estes d'amer lassez.  


65

Je vous vens la feuille de tremble.
De paour tout le cuer me tremble,
Que pour moy ne soiez blasmée,
Ma belle dame trés amée;  
Et, se vers vous je n'ose aler
Pour la doubtance du parler
De ceulz qui nous ont encusé,
Si m'en tenez pour excusé.  


66

Le Saphir vous vens d'Orient.
Ce que je vous di en riant;
Que mon cuer a vous amer muse,
Ne le tenez pour tant a ruse;
Car je le vous di tout acertes,
Et vous aime plus que rien certes.


67

Flours vous vens de toutes couleurs.
Je suis gary de mes douleurs,
Quant vous me faittes bonne chiere,
Ma gracieuse dame chiere;
Mais quant vers moy estes yrée
La mort est de moy desirée.  


68

Je vous vens le levrier courant.
Pour vostre amour me vois morant;
Ce pouez vous veoir a l'ueil,
Et pitié n'en avez ne dueil.  


69

Je vous vens la fleur mipartie.
Sommes nous a la departie
De noz amours, beau doulz ami ?
S'il est ainsi ce poise mi,
Car je ne l'ay pas desservi;
Doulent suis quant oncques vous vi.

70

Je vous vens l'escrinet tout plein.
Mon nom y trouverez a plain
Et de cil qu'oncques plus amay,
Par qui j'ay souffert maint esmay,
Se vous y querez proprement;
Or regardez mon se je ment.

 

 


Christine de Pisan

 

02 christine de pisan