Charles Coypeau d'Assoucy (1605-1677)
Recueil: Le Jugement De Pâris En Vers Burlesques (1648)

Harangue de Pallas


 

Si j'avois au nez la roupie,
Aux bras les mains d'une Harpie,
Dent de Chien, oeil de Basilic,
Et la teste d'un Alambic.
Si j'estois Princesse de Galle
Ainsi que t'a dit ma rivalle
Junon, à qui d'un coup de poin,
Pour peu je casserois le groin:
Berger sur tout autre equitable
Pas, ou je me dedonne au Diable,
N'approcheroit de quatre pas
De ton huis la Dame Pallas.
Pour moins de cent francs de lunette
Tu sçauras comme je suis faite,
Si j'ay plumage de Corbeau
Blanche couleur, ou noire peau:
Fille je suis sans Vitupere
Du Dieu mon tres-honoré pere,
Juppin, qui sous son couvre-chef
Me porta neuf mois dans son chef.

Maintenant je suis toute telle
Que quand Pissis de sa cervelle,
Entiere ainsi que je nasquis,
J'ay mon cas comme il est requis,
Fille chaste, vierge, et pucelle,
Et du surplus ton humble ancelle:
Pour le regard de ma beauté,
Si quelqu'un a la vanité,
D'en vouloir querelle entreprendre,
J'ay des armes pour la deffendre,
Tant par forte et vive raison,
Qu'à coups de broche et de tison:
Pour ce besoin, j'ay toute preste
La pique en main, le pot en teste,
Et ce que craindre on ne doit moins,
Deux bras nerveux, et deux bons poins:
Mais puis que son Altitonance
Par finale et brefve sentence
M'a mise comme en seureté,
Dans les bras de ton equité;
Berger, il n'est qu'un mot qui serve
Voy tu, je m'appelle Minerve,
Fille de bien, Dame d'honneur,
D'esprit, de courage, et de coeur;
Veine je ne suis, ny muguette,
Ny frelampiere, ny coquette;
Si par ta haute integrité
J'obtiens ce que j'ay merité,
Je te prepare un plat d'Olives
Duquel te frottant les jensives,
Et t'affublant de ce panier
Lequel est de bois de Laurier,
Tu seras plus sçavant qu'Homere,
Et sans coucher au Cimetiere,
Sçauras mieux qu'un Predicateur
Tout ton Cathechisme par coeur;
Tu seras Peintre, et Geometre,
Docte, et sçavant en prose, et metre,
Habile Clerc, et bien congru,
Grec et lettré, comme un Botru;
Poil dru (non sans honneur et gloire)
Couvrira ta docte machoire;
Tu sçauras, quand le Soleil luit,
Quand il est jour, ou qu'il est nuit;
Tous les secrets de la nature,
Tu diras la bonne avanture,
Gouverneras le Potentat,
Et le peuple qui n'est qu'un fat.

Ainsi par ta haute prudence
Possederas gloire et chevance,
Par laquelle on fait pet et rot,
Feu, cuisine, marmitte et pot:
Ne dédaignes donc la priere
De ta bien-humble chambriere.
Pallas qui vit en triste esmoy,
Ou bien Berger prends garde à toy;
Car fille estant de teste issuë,
Fille je suis un peu testuë.
Là Pallas finit son discours,
Quand la Deesse aux talons courts,
Avec mignonne contenance
Ainsi parla comme je pense,
Regarde moy bien toüille broüille.

 

 


Charles Coypeau d'Assoucy

 

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