Cheveux, seul remède et confort De mon mal violent et fort ; Cheveux longs, beaux et desliés, Qui mon cœur tant plus fort liez, Que, plus il veut tendre et tacher A se distraire et destacher, Plus il est pris et mieux estraint, Plu8 est de demeurer contraint. Cheveux, qui fûtes couverture Du grand chef d'ceuvre de nature, Où le ciel qui tout clost et voit, A monstre combien il pouvoit Assembler en petite espace De beauté et de bonne grâce; Cheveux, qui sceustes estranger Moy de moy mesme et me changer Tellement que je vous accuse De TefFect de ceux de Méduse, M'ayant rendu un corps sans âme Ou plustost une vive flamme, Ha ! cheveux, n'ayez nul regret De vous voir en lieu si secret, Loing de vos compaignons dorés Oui du monde sont adorés. Celle qui en peut ordonner A moy vous a voulu donner, Pour appuy de ma foible vie, Dont vous n'auriez deuil ny envie, Si vous saviez, ô blonds cheveux, Quel est le bien que je vous Veux ! Le moindre de vous m'est plus cher Qu'autre amie entière toucher, Ne que les trésors assemblés Du fin or que vous ressemblez. Et toutefois pour estre miens, N'ayez peur de n'estre point siens: Elle ne congnoist rien à soy Plus sien, que ce qui est à moy. Au moins, en ceste qualité, Avons-nous quelque égalité. Si un ciseau vous fait outrage, Un dard m'en fait bien d'avantage. Il y pert à mon œil estaint. Et vous n'en changez point de teint, Qui vous est plaisir et bonheur, Et perte de si grand honneur; Ceux dont vous estes séparés Sont peut-estre ores mieux parés, Mais si sont-ils en ce danger De se voir par le temps changer, Et d'or en argent convertis, De quoy vous estes garentis, Car temps ne vous y peut contraindre. Et quand bien vous le pouriez craindre, Cheveux, vous estes à un maistre, Qui vous oseroit bien promettre, Et au chef dont estes venus, Qu'en lieu de devenir chenus, Il fera que le cours des ans Vous rendra plus beaux et plaisans. On ne voit point, pour forts hivers, Les lauriers moins feuillus et verds. Le beau Dieu qui en print la cure Les défend de céleste injure, Et je feray tant, si je puis, Aydé de celle à qui je suis, Que mes honneurs vous seront tels Qu'elle et vous serez immortels.
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Mellin de Saint-Gelais
Poèmes de Mellin de Saint-Gelais |