Antoinette Des Houlières (1634-1694)

Stances - Dieux ! qu’est-ce que je sens d’inquiet ...


 

Dieux ! qu’est-ce que je sens d’inquiet et de tendre ?
Me serais-je laissé charmer ?
Hélas ! je n’en sais rien, je voudrais bien l’apprendre,
Et je n’ose m’en informer.
 
D’un charmant souvenir je suis tout occupée,
Ah ! mon destin n’est plus douteux,
Mon cœur, vous soupirez, ou je suis fort trompée,
Comme fait un cœur amoureux.
 
Vous cédez à Tircis sans faire résistance,
Vous qu’on a vu plus d’une fois
Traiter impunément avec indifférence
Tout ce qu’on a vu sous mes lois.
 
Pourquoi m’en étonner ? Tircis est plus aimable
Que tout ce qu’on voit ici bas,
Et je ne sens que trop qu’il est plus redoutable
Pour qui craint un tendre embarras.
 
Dissimulons du moins ces cruelles alarmes ;
Mais quand ce berger plein d’ardeur
Poussera des soupirs, ou répandra des larmes,
Mes yeux, vous trahirez mon cœur.
 
Vous irez découvrir le tourment qui me presse,
Et par un regard languissant,
Vous direz à Tircis combien je m’intéresse
Pour toutes les peines qu’il sent.
 
Oui, de tout mon repos vous avouerez la perte,
Mais dussent croître mes soucis,
Mes yeux, pour vous punir de l’avoir découverte,
Vous ne verrez jamais Tircis.

 

 


Antoinette Des Houlières

 

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