Stéphane Mallarmé (1842-1898)

En envoyant un pot de fleurs



Minuit au vieux beffroi : l'ombre dort, et la lune
Se joue en l'aile noire et morne dont la nuit,
Sombre corbeau, nous voile. Au ciel l'étoile fuit.
Mille voix du plaisir voltigent à moi : l'une

M'apporte ris, baisers, chants de délire : suit
Une fanfare où Strauss fait tournoyer la brune
Au pied leste, au sein nu, que sa jupe importune.
Tes masques ! carnaval ! tes grelots ! joyeux bruit !

Et moi, je dors d'un oeil, et je vous dis, Marie,
Qu'en son vase embaumé votre fleur est ravie
D'éclore sous vos mains, et tressaille au bonheur

De vivre et se faner un soir sur votre coeur !
Ah ! d'une aurore au soir dût s'envoler ma vie
Comme un rêve, fleurette, oui, ton sort, je l'envie !


 


Stéphane Mallarmé

 

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