Sous ceste menue herbelette Gist la plus gentille Belette, Et la mieux faisant son devoir Que damoiselîe eut sceu avoir; Car aussitôt qu'elle fust prise Elle devint si bien apprise Qu'à fuïr oncques ne tascha; Par quoy point on ne l'attacha: Mais eust liberté et loisir D'aller partout à son plaisir. Il n'y avoit chambre ne tour Où le jour ne fist quelque tour; De là s'en alloit aux vergers, Et bien souvent par les bergers Fust veue en ces forests prochaines Visitant grands ouïmes et chesnes Veoir si quelque nid ou couvée Seroit point par elle trouvée. Ainsi çà et là tracassoit Tandis que le jour se passoit; Mais gucres il ne luy advint Qu'à souper elle ne revint. Et lors à sa maistresse chère Faisoit une si bonne chère Qu'il sembloit qu'elle eust congnoissance De luy devoir obéissance. Et n'eust pris de là à demain Vivres d'ailleurs que de sa main, Que si Tinet le petit chien, Qui estoit le plus ancien, Venoit là pour y butiner : Et elle de se mutiner, Et de faire une rumeur grande, Non pour l'amour de la viande Seulement, ne de la saveur, Mais pour défendre la faveur De la damoiselle choisie, Dont elle estoit en jalousie. D'autre part ils estoyent contents De donner mille passetemps : L'un couroit, l'autre alloit après, Et l'autre le suivoit de près y Se mordant col, cuisse et oreille; Oncques ne fut guerre pareille, Mais ce qui plus d'elle plaisoit, Estoit au soir quand on faisoit Le lict de camp de sa maistresse: La beste avoit bien ceste addresse De laisser tout, et s'approcher De peur d'aller ailleurs coucher; Ne la courtine estoit tendue Plustost, qu'elle y estoit rendue. O sage et heureux animal, S'elle eust sceu le bien et le mal ! Combien d'hommes eurent envie Sur elle et son heureuse vie, Et eussent, pour y parvenir, Voulu Belettes devenir. Mais quoy ! il est fol qui espère Voir chose entièrement prospère, Et qui pense, avant son trespas, Estre heureux ou ne Pestre pas. Ceste heureuse Belette en somme Mourut et je vous dirai comme. Une fouine, de longue main Voyant ce traictement humain, Eust envie et mist en sa teste De tuer la petite beste; Si vinct de nuict et par surprise Exécuta son entreprise, Dont chacun mena si grand deuil, Qu'on versa mainte larme d'ceil. Mais sur tous sa povre maistresse Sentit grande peine et destresse, Et chargea grandement Muguet Dont il n'avoit fait meilleur guet; Lors envoya tous ses valets Tendre mille lacz et collets. Tous disposés pour la ruine De la malheureuse fouine. Cependant, pour dernier confort, Elle faict mettre le corps mort De la petite créature, Sous la petite sépulture Que vous pouvez voir icy près Au pied de ce jeune cyprès; Afin que l'arbre, se haussant, La mémoire en aille croissant.
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Mellin de Saint-Gelais
Poèmes de Mellin de Saint-Gelais |