Pierre de Ronsard (1524-1585)
Recueil : L'inspiration pindarique Les jeux olympiques et la poésie de Pindare... L'un crie que trop je me vante, L'autre que le vers que je chante N'est point bien joint ni maçonné; L'un prend horreur de mon audace, Et dit que sur la Grecque trace Mon oeuvre n'est point façonné. Je leur fais réponse au contraire, Comme l'ayant bien su portraire Dessus le moule des plus vieux, Et comme cil qui ne s'égare Des vers repliés de Pindare Inconnus de mes envieux. L'étable du grand Roi d'Elide, Nette par les travaux d'Alcide, Fonda près les champs Eléans D'Olympe les joûtes illustres, Qui retournaient par chacuns lustres Anoblir les bords Piséans. Là s'amoncelait la jeunesse Des plus belliqueux de la Grèce, Studieuse à ravir l'honneur De l'étrange feuille honorée Que de la terre Hyperborée Apporta le Thébain veneur. Ceux qui suants par la carrière Laissaient leurs compagnons derrière, Et ceux qui de courgés plombés Meurtrissaient la chair ampoulée, Et ceux qui par la lutte huilée Contre-tenaient les bras courbés; Ceux qui à leurs flèches soudaines Commandaient d'être plus certaines, Et ceux qui en rouant tournaient Un grand caillou d'horrible masse, Outre-volant le long espace Du but où les coups se bornaient; Ceux qui en limons ou en selle Devant la Grèce universelle Par douze fois rasaient le tour De la course douze fois torte, Et d'une roue entière et forte S'achetaient un brave retour; Vainqueurs, de cette feuille heureuse Laçaient leur perruque poudreuse, Et craignant perdre les labeurs Pour qui leurs vertus travaillèrent, Après la victoire éveillèrent Le métier des premiers harpeurs; Lesquels au soir par l'assemblée, Quand l'oeil de la Lune doublée Ardait le voile obscur des cieux, Avec les flûtes doux-sonnantes Et les trompettes haut-parlantes Célébraient les victorieux. Archiloc premier osa dire D'un refrain simple sur sa lyre Les honneurs d'Hercule en ses vers, Vers qui longtemps chantés servirent A tous les vainqueurs qui ravirent L'olive par combats divers. Après comme une eau débordée Ou comme la foudre guindée Sur la nue au mois le plus chaud, S'ouït tonner la voix Dircée, Qui par l'air s'est si bien dressée Que nulle n'a bondi plus haut. Elle par les terres étranges Cria des vainqueurs les louanges, Et plutôt les fut élevant Que l'air n'est froissé par la vire, Ou l'eau qui bruit sous le navire Souffleté des gorges du vent. Aussi nul chant ne s'accompare Au chant courageux de Pindare, Que la honte ne colorait D'entremêler ses propres gloires Avec les fameuses victoires Des batailles qu'il honorait; Et tout ensemble les sut vendre Au marchand qui les voulait prendre, Plus chèrement qu'on n'achetait Une statue feinte en cuivre Que le vainqueur pour mieux revivre Au plus haut d'Olympe mettait; Tant la Grèce était studieuse De sa Muse laborieuse. Et tant son art eut de bonheur, Que ses paroles honorées Ecrites en lettres dorées Aux temples pendaient en honneur. Avec Hiéron, roi de Sicile, Trafiqua maint vers difficile, Où des brocards injurieux De Bacchylide son contraire Fut moqué, comme chez ton frère M'ont moqué ceux des envieux... Que plût à Dieu, qu'à sa hautesse Fût égale ma petitesse Et mes vers à ses chants nerveux ! Par ta sainte grandeur, je jure Que j'entonnerais cette injure Aux oreilles de nos neveux. |
Pierre de Ronsard
Poèmes de Pierre de Ronsard
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