Pierre de Ronsard (1524-1585)
Recueil : La Patrie

Hymne de France



... Toujours le Grec la Grèce vantera,
Et l'Espagnol l'Espagne chantera,
L'Italien les Itales fertiles,
Mais moi Français la France aux belles villes,
Et son renom, dont le crieur nous sommes,
Ferons voler par les bouches des hommes...
Il ne faut point que l'Arabie heureuse,
Ni par son Nil l'Egypte plantureuse,
Ni l'Inde riche en mercerie étrange,
Fasse à la tienne égale sa louange;
Qui d'un clin d'oeil un monde peux armer,
Qui as les bras si longs dessus la mer,
Qui tiens sur toi tant de ports et de villes,
Et où les lois divines et civiles
En long repos tes citoyens nourrissent.
On ne voit point par les champs qui fleurissent
Errer ensemble un tel nombre d'abeilles,
Baisant les lis et les rosés vermeilles;
Ni par l'été ne marchent au labeur
Tant de fourmis, animaux qui ont peur
Qu'en leur vieillesse ils n'endurent souffrance,
Comme l'on voit d'hommes par notre France
Se remuer; soit quand Bellone anime
La majesté de leur coeur magnanime,
Ou quand la paix à son rang retournée,
Chacun renvoie exercer sa journée...
Mille troupeaux frisés de fines laines
Comme escadrons se campent en nos plaines;
Maint arbrisseau, qui porte sur ses branches
D'un or naïf pommes belles et franches,
Y croît aussi, d'une part verdissant,
De l'autre part ensemble jaunissant,
Le beau Grenat à la joue vermeille,
Et le Citron, délices de Marseille,
Fleurit ès champs de la Provence à gré.
Et l'Olivier à Minerve sacré
Leur fait honneur de ses fruits automniers,
Et jusqu'au ciel s'y dressent les Palmiers;
Le haut Sapin, qui par flots étrangers
Doit aller voir de la mer les dangers,
Y croît aussi et le Buis qui vaut mieux,
Pour y tailler les images des Dieux,
De ses bons Dieux, qui ont toujours souci
Et de la France et de mes vers aussi...
Ici et là, comme célestes flammes,
Luisent les yeux de nos pudiques femmes,
Qui toute France honorent de leur gloire,
Ores montrant leurs épaules d'ivoire,
Ores le col d'albâtre bien uni,
Ores le sein où l'honneur fait son nid;
Qui pour dompter la cagnarde paresse,
Vont surmontant d'une gentille adresse
Le vieil renom des pucelles d'Asie,
Pour joindre à l'or la soie cramoisie,
Ou pour broder au métier proprement
D'un nouveau Roi le riche accoutrement.
Que dirai plus des lacs et des fontaines,
Des bois tondus et des forêts hautaines ?
De ces deux mers, qui d'un large et grand tour
Vont presque France emmurant tout autour ?
Maint grand vaisseau, qui maint butin amène,
Parmi nos flots sûrement se promène.
Au dos des monts les grands forêts verdoient
Et à leurs pieds les belles eaux ondoient...
Dedans l'enclos de nos belles cités
Mille et mille arts y sont exercités.
Le lent sommeil, ni la morne langueur
Ne rompent point des jeunes la vigueur...
La Poésie et la Musique Soeurs,
Qui nos ennuis charment de leurs douceurs,
Y ont r'aquis leurs louanges antiques.
L'art non menteur de nos Mathématiques
Commande aux Cieux; la fièvre fuit devant
L'experte main du médecin savant.
Nos imagers ont la gloire en tout lieu
Pour figurer soit un Prince ou un Dieu,
Si vivement imitant la nature
Que l'oeil ravi se trompe en leur peinture.
Un million de fleuves vagabonds,
Traînant leurs flots délicieux et bons,
Lèchent les murs de tant de villes fortes,
Dordogne, Somme, et toi Seine, qui portes
Dessus ton dos un plus horrible faix
Que sur le tien Neptune tu ne fais.
Ajoutez-y tant de palais dorés,
Tant de sommets de temples honorés,
Jadis rochers, que la main du maçon
Elabora d'ouvrage et de façon.
L'art dompte tout, et la persévérance.
Que dirons-nous encor de notre France ?...
C'est celle-là qui a produit ici
Roland, Renaud, et Charlemagne aussi,
Lautrec, Bayard, Trimouille et la Palice,
Et toi Henri,...
Roi qui doit seul par le fer de la lance,
Rendre l'Espagne esclave de sa France,
Et qui naguère a l'Anglais abattu,
Le premier prix de sa jeune vertu.
Qu'en leur vieillesse ils n'endurent souffrance,
Comme l'on voit d'hommes par notre France
Se remuer; soit quand Bellone anime
La majesté de leur coeur magnanime,
Ou quand la paix à son rang retournée,
Chacun renvoie exercer sa journée...
Mille troupeaux frisés de fines laines
Comme escadrons se campent en nos plaines;
Maint arbrisseau, qui porte sur ses branches
D'un or naïf pommes belles et franches,
Y croît aussi, d'une part verdissant,
De l'autre part ensemble jaunissant,
Le beau Grenat à la joue vermeille,
Et le Citron, délices de Marseille,
Fleurit ès champs de la Provence à gré.
Et l'Olivier à Minerve sacré
Leur fait honneur de ses fruits automniers,
Et jusqu'au ciel s'y dressent les Palmiers;
Le haut Sapin, qui par flots étrangers
Doit aller voir de la mer les dangers,
Y croît aussi et le Buis qui vaut mieux,
Pour y tailler les images des Dieux,
De ses bons Dieux, qui ont toujours souci
Et de la France et de mes vers aussi...
Ici et là, comme célestes flammes,
Luisent les yeux de nos pudiques femmes,
Qui toute France honorent de leur gloire,
Ores montrant leurs épaules d'ivoire,
Ores le col d'albâtre bien uni,
Ores le sein où l'honneur fait son nid;
Qui pour dompter la cagnarde paresse,
Vont surmontant d'une gentille adresse
Le vieil renom des pucelles d'Asie,
Pour joindre à l'or la soie cramoisie,
Ou pour broder au métier proprement
D'un nouveau Roi le riche accoutrement.
Que dirai plus des lacs et des fontaines,
Des bois tondus et des forêts hautaines ?
De ces deux mers, qui d'un large et grand tour
Vont presque France emmurant tout autour ?
Maint grand vaisseau, qui maint butin amène,
Parmi nos flots sûrement se promène.
Au dos des monts les grands forêts verdoient
Et à leurs pieds les belles eaux ondoient...
Dedans l'enclos de nos belles cités
Mille et mille arts y sont exercités.
Le lent sommeil, ni la morne langueur
Ne rompent point des jeunes la vigueur...
La Poésie et la Musique Soeurs,
Qui nos ennuis charment de leurs douceurs,
Y ont r'aquis leurs louanges antiques.
L'art non menteur de nos Mathématiques
Commande aux Cieux; la fièvre fuit devant
L'experte main du médecin savant.
Nos imagers ont la gloire en tout lieu
Pour figurer soit un Prince ou un Dieu,
Si vivement imitant la nature
Que l'oeil ravi se trompe en leur peinture.
Un million de fleuves vagabonds,
Traînant leurs flots délicieux et bons,
Lèchent les murs de tant de villes fortes,
Dordogne, Somme, et toi Seine, qui portes
Dessus ton dos un plus horrible faix
Que sur le tien Neptune tu ne fais.
Ajoutez-y tant de palais dorés,
Tant de sommets de temples honorés,
Jadis rochers, que la main du maçon
Elabora d'ouvrage et de façon.
L'art dompte tout, et la persévérance.
Que dirons-nous encor de notre France ?...
C'est celle-là qui a produit ici
Roland, Renaud, et Charlemagne aussi,
Lautrec, Bayard, Trimouille et la Palice,
Et toi Henri,...
Roi qui doit seul par le fer de la lance,
Rendre l'Espagne esclave de sa France,
Et qui naguère a l'Anglais abattu,
Le premier prix de sa jeune vertu.
Je te salue, ô terre plantureuse,
Heureuse en peuple, et en Princes heureuse !
Moi ton Poète, ayant premier osé
Avoir ton los en rime composé,
Je te suppli' qu'à gré te soit ma Lyre...


Pierre de Ronsard

 

pierrederonsard