... En vain l'homme de sa prière Vous tourmente soir et matin; Il est traîné par son Destin, Comme est un flot de sa rivière, Ou comme est le tronçon D'un arraché glaçon Qui roule à la traverse, Ou comme un tronc froissé, Que le vent courroucé Culbute à la renverse... L'un meurt au métier de la guerre Noirci d'un poudreux tourbillon, L'autre pousse d'un aiguillon Les boeufs au travail de sa terre; L'un vit contre son gré Pressé d'un bas degré, Qui tend à chose haute; Le mal est défendu, L'innocent est pendu Qui ne fit jamais faute. Telle est du Ciel la loi certaine Qu'il faut souffrir, et non forcer; Le bon soldat ne doit passer Le vouloir de son capitaine. L'un perd dès le berceau L'usage du cerveau Avorton inutile, L'autre de vent repeu Devient le boutefeu D'une guerre civile. L'un de la mer court les orages Enfermant sa vie en du bois, L'autre pressant le cerf d'abois Devient satyre des bocages; L'un sans peur de meschef Bat d'un superbe chef Le cercle de la Lune, Qui tombe outrecuidé Pour n'avoir bien guidé Les brides de Fortune. L'un valet de sa panse pleine, Pourceau d'Epicure ocieux, Mange en un jour de ses aïeux Les biens acquis à grande peine. Ce guerrier, qui tantôt Terre et mer d'un grand ost Couvrait de tant de voiles, Court de tête et de nom Pendille à Montfaucon: Ainsi vous plaît, Etoiles... Je vous salue, heureuses flammes, Etoiles, filles de la Nuit, Et ce Destin qui nous conduit Que vous pendîtes à nos trames. Tandis que tous les jours Vous dévidez vos cours D'une danse éthérée, Endurant je vivrai Et la chance suivrai Que vous m'avez livrée... |
Pierre de Ronsard
Poèmes de Pierre de Ronsard
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