Étienne Jodelle (1532-1573)
Recueil: Poésies

Comme un qui s’est perdu ...


 

Comme un qui s’est perdu dans la forêt profonde
Loin de chemin, d’orée et d’adresse, et de gens :
Comme un qui en la mer grosse d’horribles vents,
Se voit presque engloutir des grands vagues de l’onde :
 
Comme un qui erre aux champs, lors que la nuit au monde
Ravit toute clarté, j’avais perdu long temps
Voie, route, et lumière, et presque avec le sens,
Perdu long temps l’objet, où plus mon heur se fonde.
 
Mais quand on voit, ayant ces maux fini leur tour,
Aux bois, en mer, aux champs, le bout, le port, le jour,
Ce bien présent plus grand que son mal on vient croire.
 
Moi donc qui ai tout tel en votre absence été,
J’oublie, en revoyant votre heureuse clarté,
Forêt, tourmente, et nuit, longue, orageuse, et noire.

 

 


Étienne Jodelle

 

03etienne jodelle