Ci est gisant sous cette pierre L’un des membres de Frère Pierre, Non un des bras, n’ une des mains, Ni pied, ni jambe, hélas ! humains, Mais bien le membre le plus cher Que sur lui on eût
pu toucher. C’est son Billard, c’est son Bourdon, Son Chalumeau, son gros Bedon, Sa Pièce de chair, son Bidault, Son Pousse-bourre, son Ribault, Son gentil Bâton Pastoral, Sa rouge branche de
Coral, Son Guille-la, son Calemard, Son Factoton, son Braquemard, Son Furon furetant sans cesse, Son petit Bâton de jeunesse, Son Courtault, son Sceptre royal, Son Vilbrequin, son Nerf loyal, Son Pistolet
aimé des dames, Son Désiré entre les femmes, Son Rameau dont il s’émouchait, Son Instrument dont il pissait, Sa Gaine, son Bâton de lit, Sa Joye du monde, son Vit, Son exécuteur
tant propice De l’infâme et basse Justice. Ce bon maître, dès son enfance, Fut de si grande obéissance Que jamais chose on ne lui dit Que soudainement il ne fit ; Car dès que sa
Mère Nourrice Le frottait, disant : « Pisse ! Pisse ! » Soudain pissait, puis (grâce à Dieu !) Frère Pierre crût peu à peu, Et jà montait, dès son jeune
âge, Sur les filles de son village, Et les culait et les foulait Si bien, qu’on vit bien qu’il fallait Hors du monde le reculer, Pour ce qu’il eût pu trop culer, Dont, par ses parents et
amis, Il fut en Religion mis, Mais étant Novice au Couvent, Il en faisait plus que devant ; Dès lors il prenait bien l’audace De monter sur la Putain grasse, Et si fort bien la culotait, Que
la garce s’en contentait, Car il était jà de la taille Pour à tous heurts livrer bataille ; Puis, quand il fut Moine parfait, C’était un plaisir de son fait, Car il faisait plus en
un mois Que cinq autres Moines en trois. Croyez qu’il n’était point de ceux, Qui sont oisifs et paresseux, Car il n’eût jamais, en un jour, Plus de deux heures de séjour ; Aussi
n’était-il de la sorte De ces autres vits que l’on porte ; Aussi roide était que son bras, Bien spermatisant, gros et gras, De longueur de pied et demi ; Jamais il n’était endormi, Et fumait, par son rouge bout, Comme un pot qui près du feu bout. Femme n’y avait si maligne Qu’il ne rendît douce et bénigne ; Femme n’y avait si gaillarde Qu’il ne rendît
saine et raillarde ; Il n’y avait Religieuse Qui ne se sentît bien heureuse D’avoir du Moine connaissance, Pour avec lui prendre alliance, Sachant le bien et le bonheur Que donnait ce membre d’honneur
; Sentant le passe-temps joyeux Que donnait ce Religieux, Con n’y avait grand ni petit Qui ne prît lors grand appétit, Et n’eût su être tant profond Qu’il n’allât
toujours jusqu’au fond, Pour chercher en l’obscure sale La vrai Pierre Philosophale. C’était un vrai vit de ménage ; C’était un vit à l’avantage ; C’était
un vit bien digne d’être À un si vénérable Maître. Somme, c’était le plus beau vit Que jamais femme au monde vit. Or, entendez quel et comment Fut le piteux département De frère Pierre et de son membre : Le XXe jour de décembre, L’an 1552, Ce bon Père Religieux, S’en allant par les champs prêcher, Se voulut ébattre à pécher En un ord et sale marais, Et, faute de Ligne ou de Rets, Y mit son membre, où s’attacha Un vilain chancre qu’il pêcha, Qui ce membre rongea si fort Que tôt après le rendit mort, Et fut coupé pour mettre en terre. « Mais hélas ! disait frère Pierre, Faut-il que pour ma seule coulpe Et pour bien servir l’on te coupe ? Faut-il qu’avant moi mort je voie Celui
dont tout mon bien j’avoie ? Faut-il qu’il meurre ainsi martyr ? Faut-il aussi nous départir, Ô Mort cruelle et sans merci ? Eh ! que ne m’as-tu pris aussi ? » Voilà la complainte
au plus près De frère Pierre. Or sus ! après, Nobles dames et damoiselles, Pucelles, Jeunes, Laides, Belles, Pleurez-vous point donc au tombeau Où repose ce membre beau ? Pleurez-vous point
de voir ci mis Le plus grand de tous vos amis ? Je crois qu’oui, mais telle perte Ne sera jamais recouverte Par cris, ni pleurs, dont suis d’avis Que priez Dieu que tous les vits, Qu’en ce monde pourrez
tenir, Puissent semblables devenir, Ou bien qu’il advienne, sans plus, Qu’à celui-ci ne pensez plus.