Évariste de Parny (1753-1814)
Recueil : Poésies érotiques (1778)

La Discrétion



Ô la plus belle des maîtresses !
Fuyons dans nos plaisirs la lumière et le bruit ;
Ne disons point au jour les secrets de la nuit ;
Aux regards inquiets dérobons nos caresses.
 
L’amour heureux se trahit aisément.
Je crains pour toi les yeux d’une mère attentive ;
Je crains ce vieil Argus, au cœur de diamant,
Dont la vertu brusque et rétive
Ne s’adoucit qu’à prix d’argent.
 
Durant le jour tu n’es plus mon amante.
Si je m’offre à tes yeux, garde-toi de rougir ;
Défends à ton amour le plus léger soupir ;
Affecte un air distrait ; que ta voix séduisante
Évite de frapper mon oreille et mon cœur ;
Ne mets dans tes regards ni trouble ni langueur.
 
Hélas ! de mes conseils je me repens d’avance.
Ma chère Éléonore, au nom de nos amours,
N’imite pas trop bien cet air d’indifférence :
Je dirais : « C’est un jeu » ; mais je craindrais toujours.


 


Evariste de Parny

 

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