Ô la plus belle des maîtresses ! Fuyons dans nos plaisirs la lumière et le bruit ; Ne disons point au jour les secrets de la nuit ; Aux regards inquiets dérobons nos caresses.
L’amour
heureux se trahit aisément. Je crains pour toi les yeux d’une mère attentive ; Je crains ce vieil Argus, au cœur de diamant, Dont la vertu brusque et rétive Ne s’adoucit qu’à
prix d’argent.
Durant le jour tu n’es plus mon amante. Si je m’offre à tes yeux, garde-toi de rougir ; Défends à ton amour le plus léger soupir ; Affecte un air distrait
; que ta voix séduisante Évite de frapper mon oreille et mon cœur ; Ne mets dans tes regards ni trouble ni langueur.
Hélas ! de mes conseils je me repens d’avance. Ma chère
Éléonore, au nom de nos amours, N’imite pas trop bien cet air d’indifférence : Je dirais : « C’est un jeu » ; mais je craindrais toujours.