Jean Racine (1639-1699)
Lettre à Mademoiselle Vitart

Le lundi à laudes



Source ineffable de lumière,
Verve en qui l’Éternel contemple sa beauté ;
Astre, dont le soleil n’est que l’ombre grossière,
Sacré jour, dont le jour emprunte sa clarté ;

Lève-toi, Soleil adorable,
Qui de l’éternité ne fais qu’un heureux jour ;
Fais briller à nos yeux ta clarté secourable,
Et répands dans nos cœurs le feu de ton amour.

Prions aussi l’auguste Père,
Le Père dont la gloire a devancé les temps,
Le Père tout-puissant en qui le monde espère,
Qu’il soutienne d’en haut ses fragiles enfants.

Donne-nous un ferme courage,
Brise la noire dent du serpent envieux :
Que le calme, grand Dieu, suive de près l’orage :
Fais-nous faire toujours ce qui plaît à tes yeux.

Guide notre âme dans ta route,
Rends notre corps docile à ta divine loi ;
Remplis-nous d’un espoir que n’ébranle aucun doute,
Et que jamais l’erreur n’ébranle notre foi.

Que Christ soit notre pain céleste ;
Que l’eau d’une foi vive abreuve notre cœur ;
Ivres de ton esprit, sobres pour tout le reste,
Daigne à tes combattants inspirer ta vigueur.

Que la pudeur chaste et vermeille
Imite sur leur front la rougeur du matin ;
Aux clartés du midi que leur foi soit pareille ;
Que leur persévérance ignore le déclin.

L’aurore luit sur l’hémisphère :
Que Jesus dans nos cœurs daigne luire aujourd’hui,
Jesus qui tout entier est dans son divin Père,
Comme son divin Père est tout entier en lui.

Gloire à toi, Trinité profonde,
Père, Fils, Esprit-Saint : qu’on t’adore toujours,
Tant que l’astre des temps éclairera le monde,
Et que les siècles même auront fini leur cours.

 


Jean Racine

 

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