... Toute Philosophie est en deux divisée, L'une est aiguë, ardente, et prompte et avisée Qui, sans paresse ou peur, d'un vol audacieux Abandonne la terre et se promène aux Cieux. Hardis furent les coeurs qui les premiers montèrent Au Ciel, et d'un grand soin les Astres affrontèrent. Là, sans avoir frayeur des cloîtres enflammés, Du monde où tant de corps divers sont enfermés Par leur vive vertu s'ouvrirent une entrée, Et virent jusqu'au sein la Nature sacrée. Ils épièrent Dieu, puis ils furent après Si fiers que de conter aux hommes ses secrets, Et d'un esprit vainqueur eurent la connaissance De ce qui n'est point né, de ce qui prend naissance, Et en pillant le Ciel, comme un riche butin, Mirent dessous leurs pieds Fortune et le Destin. L'autre Philosophie habite sous la nue, A qui tant seulement cette terre est connue, Sans se pousser au Ciel; le coeur qui lui défaut Ne lui laisse entreprendre un voyage si haut. Elle a pour son sujet les négoces civiles, L'équité, la justice, et le repos des villes, Et au chant de sa lyre a fait sortir des bois Les hommes forestiers; et leur bailla des lois; Elle sait la vertu des herbes et des plantes, Elle va dessous terre aux crevasses béantes Tirer l'argent et l'or, et chercher de sa main Le fer qui doit rougir en notre sang humain. Puis, afin que le peuple ignorant ne méprise La vérité précieuse après l'avoir apprise, D'un voile bien subtil (comme les peintres font Aux tableaux animés) lui couvre tout le front, Et laisse seulement tout au travers du voile Paraître ses rayons comme une belle étoile, Afin que le vulgaire ait désir de chercher La couverte beauté dont il n'ose approcher. Tel j'ai tracé cet Hymne, imitant l'exemplaire Des fables d'Hésiode et de celles d'Homère... |
Pierre de Ronsard
Poèmes de Pierre de Ronsard
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