Pindare (-518 à -438)

Traduction de Faustin Colin (1841)

NÉMÉENNE V



A PYTHEAS, ÉGINÈTE , JEUNE PANCRATIASTE

Strophe 1. — Je ne suis point un sculpteur (81) capable d'élever des statues qui se dressent immobiles sur leurs bases. Mais (82), sur tous les navires pesants ou légers, ô mon doux chant, va loin d'Égine, publier au loin que le fils de Lampon , le vigoureux Pythéas, a remporté dans Némée la couronne du pancrace; ses joues ne montrent pas encore la puberté mère d'un tendre duvet;

Antistrophe 1. — Et cependant, les fils de Saturne, de Jupiter et des blondes Néréides, il vient de les honorer avec leur métropole (83), contrée amie des étrangers ; jadis ils avaient souhaité qu'elle s'illustrât par ses héros et par ses flottes, debout près de l'autel (84) de Jupiter Hellénien. Et ils avaient tendu les mains au ciel, les nobles enfants d'Endéis (85) et le puissant roi Phocus,

Épode 1. — Fils de la déesse Psamathée (86) , qui le mit au monde sur le rivage de la mer. Je crains de dire un coup hardi que ne fit point tenter la justice; comment ils (87) quittèrent cette lié*glorieuse, et quel dieu éloigna d'Énone (88) ces vaillants mortels. Je m'arrêterai. Il n'est pas toujours utile de montrer la face de la vérité nue, et le silence est souvent pour l'homme ce qu'il y a de plus sensé.

Str. 2. — Mais s'il faut que je vante le bonheur des Éacides, ou la force de leurs bras ou leurs guerres de fer, allonsl que l'on me creuse un large (89) fossé; j'ai pour bondir de souples jarrets. Par delà même la mer l'aigle (90) s'élance. Pour eux aussi, plein de bienveillance, il se fit entendre sur le Pélion, le chœur charmant des Muses; au milieu d'elles, Apollon, avec un plectre (91) d'or, parcourait sa lyre à sept voix,

Ant. 2. — Préludante des nomes divers; et d'abord elles chantèrent Jupiter, la vénérable Thétis et Pelée; et comment la voluptueuse Créthéis, Hippolyte voulut l'enlacer dans un piège, en trompant par mille artifices l'ami de Pelée, le prince des Magnésiens, son époux ; comment elle forgea cette imposture que, sur le lit d'Acaste (92), il avait tenté la foi conjugale;

Ép. 2. — Le contraire était vrai. Car souvent, de toute son âme, elle lui avait adressé une impudique prière. Ses discours audacieux allumèrent son courroux, et sur-le-champ il repoussa cette femme, redoutant la colère de son père Xénius. Celui-ci en fut instruit; et, du haut du ciel, le dieu qui pousse les nuages, Jupiter, le roi des immortels, fit signe qu'il lui donnerait bientôt pour épouse une Néréide des mers au fuseau d'or,

Str. 3. — Avec l'assentiment de son parent Neptune, qui vient souvent d'Égée (93) dans l'isthme (94) célèbre des Doriens (95), où des troupes joyeuses reçoivent le dieu au son des flûtes, et se disputent courageusement le prix de la vigueur. Mais une force née avec nous décide de toute chose. Pour toi, Eulhymène (96), c'est a Égine que, tombant dans les bras de la déesse Victoire, des chants variés te fêtèrent.

Ant. 3. — Oui, en ce jour, ton oncle maternel aussi est fier de te voir courir sur ses traces, toi, rejeton de sa famille , ô Pythéas. Tout s'est déclaré pour lui, et Némée et le mois (97) national chéri d'Apollon. Et il a vaincu les rivaux de son âge dans sa patrie et sur tes collines de Nisus (98) aux «belles vallées. Je suis heureux de voir toute la cité rivaliser de nobles exploits. Sache (99) cependant que tu dois à Ménandre (100) d'avoir recueilli le doux fruit de tes travaux.

Ép. 3. — C'est d'Athènes qu'il faut tirer un instituteur d'athlètes. Que (101) si tu es venu pour célébrer Thémistius (102), plus de crainte, donne toute ta voix, déploie la voile jusqu'au sommet du mât pour proclamer qu'il a remporté dans Épidaure la double victoire du pugilat et du pancrace, et qu'aux portiques d'Éaque il attacha de vertes couronnes avec l'aide des Grâces aux blonds cheveux.


(81) Réponse un peu satirique aux parents de Pythias qui, ayant trouvé exagéré le prix de Pindare pour une ode, lui avaient dit que pour la même somme, ils auraient une statue.

(82) Je ne suis point statuaire, mais je suis poète.

(83) Égine

(84) Autel établi par les Mirmydons dans Égine : ils y avaient importé le culte de Jupiter Hellénien ; eux-mêmes étaient Hellènes : Hellénien signifie protecteur des Hellènes.

(85) Femme d'Éaque qui en eut Pelée et Télamon

(86) Autre femme d'Éaque qui lui donna Phocus.

(87) Télamon et Pelée, après avoir loé Phocus.

(88) Égine.

(89) Image empruntée à l'exercice du saut dans les jeux.

(90) Ce langage allégorique signifie que.Pindare va s'élancer rapidement d'un sujet à un autre, de la mort de Phocus aux noces de Pelée, sujets séparés par un tel intervalle que pour le franchir il faut la vigueur de l'athlète ou le vol de l'aigle.

(91) Instrument pour frapper les cordes de la lyre.

(92) Roi d'iolcos; époux d'Hippolyte.

(93) Ancienne ville d'Achaïe.

(94) L'Isthme de Corinthe.

(95)  Les Doriens s'emparèrent de Corinthe lorsqu'ils envahirent le Péloponnèse.

(96) Oncle maternel de Pythéas.

(97) Le mois Delphinien, mois de l'année des tiginétes, qui répond à une partie de mars et d'avril ; on célébrait alors les jeux Delphiniens en l'honneur d'Apollon.

(98) Roi de Mégare.

(99)  Ceci s'adresse à Pythéas

(100) Maître de Pythéas ; il était probablement d'Athènes.

(101) Pindare se parle à lui-même ; tournure lyrique.

(102) Aïeul maternel de Pythéas.

 


Pindare - Néméennes

 

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