Pindare (-518 à -438)

Traduction de Faustin Colin (1841)

OLYMPIQUE XIII



A ΧΕΝΟΡΗΟΝ DE CORINTHE, VAINQUEUR A LA COURSE DU STADE ET AU PENTATHLE.

Strophe 1. — En célébrant une famille trois fois victorieuse à Olympie, dévouée aux citoyens, aux étrangers secourable, j'illustrerai l'opulente (213) Corinthe, le vestibule (214) de Neptune isthmien, où fleurissent de jeunes héros (215). Car c'est là qu'Eunomie (216) habite avec ses sœurs, inébranlable appui des cités, Dicé et la douce Irène, dispensatrices de la richesse aux hommes, blondes filles de Thémis aux bons conseils.

Antistrophe 1. — Elles se plaisent à repousser l'injure, mère insolente de la révolte. J'ai des choses belles à dire, et une franche audace excite ma langue à les raconter. On lutte en vain pour cacher son naturel. A vous, fils d'Alétès (217), elles ont souvent donné la joie du succès remporté par de hautes vertus dans les saintes luttes ; aussi à vos âmes d'hommes, elles ont envoyé autrefois d'ingénieuses pensées, les Heures (218) couronnées de guirlandes.

Épode 1. — A l'inventeur, toute l'oeuvre. Qui a fait paraître aux fêtes (219) de Bacchus le dithyrambe (220) et le bœuf triomphal (221). Qui a donné aux coursiers l'appareil qui les tempère, et aux temples des dieux la double (222) figure du roi des oiseaux? Là (223) brille et la muse au souffle harmonieux, et Mars avec les jeunes guerriers aux lances meurtrières.

Str. 2, -- Haut et puissant maître d'Olympie, ne sois jamais jaloux de mes hymnes, ô bienfaisant Jupiter, et, conservant ce peuple sain et sauf, dirige le souffle du Génie favorable à Xénophon. Accueille de sa part la pompe solennelle des couronnes qui le suit des champs de Pise où il a vaincu à la fois au pentathle et à la course du stade, honneur que nul homme mortel n'avait obtenu avant lui.

Ant. 2. -  Deux fois les festons (224) du sélinum le couvrirent quand il eut paru aux isthimiades; Némée ne lui est point contraire. Son père Thessalus aux rives de l'Alphée a un monument (225) de ses pieds, glorieux ; dans Pytho, un même soleil vit sa victoire au stade et à la double course; et, pendant le même mois, dans l'aride Athènes (226), un jour rapide posa trois fois sur sa chevelure le prix des plus nobles efforts,

Ép. 2. — Et les Hélotiennes (227), sept fois. Aux jeux isthmiques de Neptune, des hymnes encore plus nombreux ont suivi son père (228) Ptéodore, Terpsias (229) et Éritime. Et tous vos succès à Delphes et dans le repaire du lion m'ont suscité maintes querelles sur la multitude de vos victoires. En vérité, je ne saurais compter les grains de sable de la mer.

Str. 3. — Tout a des bornes. Le mérite c'est de les connaître. Pour moi qu'un seul retient quand il s'agit de tous, si je chante une sagesse héréditaire et des vertus héroïques dans les combats, je n'en imposerai pas sur Corinthe; Sisyphe, par son extrême prudence, fut un Dieu, et Médée qui se donna un époux contre le gré d'un père, sauva le navire Argo et tout l'équipage.

Ant. 3. — Mais autrefois aussi, dans leur vaillance, aux pieds des murs de Dardanus ils (230) s'illustrèrent à poursuivre l'issue des batailles, pour les deux partis; les uns, avec la race chérie d'Atrée, redemandant Hélène, les autres refusant tout. Venu de Lycée, Glaucus fit trembler les Grecs. Il se vantait à eux de son aïeul (231) qui possédait, dans la ville de Pirène (232), la souveraineté, un immense héritage et un palais ;

Ép. 3. — Qui jadis impatient de subjuguer, près des sources (233), Pégase, fils de la Gorgone à la chevelure de serpent, avait beaucoup souffert avant que la vierge Pallus lui eût apporté un frein enrichi d'or; mais un songe qu'il eut fut soudain réalisé. Elle lui dit: « Tu dors, roi, fils d'Éole? allons! prends ce modérateur des coursiers, et montre-le à ton père Daméus (234) en lui sacrifiant un taureau gras.»

Str. 4. — Ainsi, pendant qu'il dormait dans les ténèbres, la vierge à la noire égide sembla lui parler. Il se lève donc en sursaut, et relevant la merveille, déposée près de lui, il court tout joyeux trouver le devin de la contrée,.et il raconte à Céranide tout ce qui s'est passé; et comment, sur l'autel de la déesse, il s'est endormi la nuit, comme il l'avait conseillé, et comment la fille du foudroyant Jupiter lui a donné elle-même

Ant. 4. —- L'or qui dompte la fougue. Celui-ci lui enjoint d'obéir sans délai au songe, de sacrifier un boeuf ail tout-puissant Géochus (235), puis d'élever un autel à Minerve équestre. Le pouvoir des dieux accomplit facilement ce que nous jurons impossible et au delà de toute espérance. Or donc, le robuste Bellérophon, transporté de joie, s'élance et adapte doucement le magique appareil à la bouche du coursier ailé. Il le monte,

Ép. 4. — Et bientôt il agite en se jouant son armure d'airain. Avec lui encore plus tard, frappant les amazones du sein des airs aux froides solitudes, il extermina cette troupe de femmes archers, et la chimère vomissant des flammes et Solymes (236). Je ne parlerai point de (237) sa mort. Pégase, dans l'Olympe, habite les antiques étables de Jupiter.

Str. 5. — Mais moi qui jette droit mes traits vibrants, je ne dois point lancer de mes mains ces traits nombreux au delà du but. Car je suis venu avec joie pour aider les muses aux trônes éclatants et les Oligéthides vainqueurs dans l'Isthme et dans Némée. En peu de mots je révélerai tout, et j'aurai pour sacré garant la voix sincère et douce du loyal héraut qui soixante fois a retenti dans les deux lices.

Ant. 5. — Je crois avoir déjà parlé de leurs succès olympiques ; ceux qui sont à venir, je les publierai dans leur temps; aujourd'hui j'en ai l'espérance; c'est des dieux que dépend la fin ; que leur génie tutélaire se montre, et nous laisserons faire Jupiter et Mars. Combien de victoires ils ont eues sur les crêtes du Parnasse, et dans Argos et dans Thèbes! Et combien de témoignages leur rendra l'Arcadie où s'élève le royal autel de Lycéus (238),

Ép. 6. — Et Pellène, Sicyone, Mégare, et l'enceinte sacrée du bois des Éacides (239), Eleusis, l'opulente Marathon, et toutes les florissantes cités que dominent les sommets de l'Etna et l'Eubée! Que si vous interrogez la Grèce entière, elle vous apprendra plus de grandes choses que vous ne pourrez en voir. Ο roi! fais qu'ils marchent d'un pied léger; puissant Jupiter, donne-leur la modération avec les douceurs de la prospérité.

 

(212) Heyne.

(213) L'éloge de Corinthe remplit cette ode.

(214) Corinthe était placée à l'entrée de l'Isthme consacré à Neptune.

(215) Allusion an vainqueur.

(216) Une des heures, déesse des bonnes lois.

(217) Fondateur du royaume Dorien de Corinthe : fils, dans le sens moral.

(218) Eunomie, Dicé et Irène.

(219) Texte de Dissen.

(220) Inventé à Corinthe par Arion.

(221) Prix du dithyrambe.

(222) Ornement d'architecture.

(223) A Corinthe,

(224) La couronne d'ache.

(225) On élevait des statues aux vainqueurs.

(226) Attique, pays sec et pierreux.

(227) Fêtes de Minerve Hellotide, célébrées à Corinthe ; Hellotis, prétresse de Minerve, avait été brûlée dans le temple de la déesse.

(228) Père de Thessalus.

(229) Frère de Ptéodore et père d'Éritime.

(230) Les Corinthiens.

(231) Bellorophon.

(232) Corinthe : Piréne, fontaine prés de Corinthe.

(233) De Piréne.

(234) Surnom de Neptune, dompteur des flots et des chevaux, et confondu quelquefois avec Glaucus.

(235) Surnom de Neptune qui embrasse la terre.

(236) En Syrie.

(237) Il voulut monter an ciel sur Pégase, et fut renversé de son cheval par Jupiter.

(238) Surnom de Jupiter, du mont Lycée en Arcadie où il fut, dit-on , élevé.

(239) Dans Égine.


 


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