Pindare (-518 à -438)

Traduction de Faustin Colin (1841)

PYTHIQUE I



A HIERON ETNEEN, VAINQUEUR A LA COURSE DES CHARS

Strophe 1. — Ο lyre d'or, trésor commun d'Apollon et des muses aux tresses noires, toi que la danse, prélude de la fête, écoute; toi dont les chanteurs suivent le signal, quand lu fais vibrer le début des hymnes qui conduisent le chœur, tu éteins même les traits brûlants de l'éternelle foudre; sur le sceptre de Jupiter, s'assoupit en abaissant de chaque côté ses ailes rapides, l'aigle,

Antistrophe 1. — Le roi des oiseaux; et, sur sa tête recourbée, tu répands une sombre vapeur qui dot doucement ses paupières. Il dort, et soulève son dos humide, maîtrisé par tes frémissements. Le cruel Mars aussi laisse tomber sa pique redoutable, le sommeil charme son cœur. L'âme des dieux même est séduite par les sons que tu lances avec tout l'art du Latoïde (2) et des muses au sein puissant.

Épode 1. — Tout ce que Jupiter n'aima jamais a horreur d'entendre la voix des Piérides et sur la terre et sur la mer indomptée. Tel est étendu au fond de l'odieux Tartare cet ennemi des dieux, Typhon aux cent têtes, qu'un antre célèbre de Cilicie nourrit autrefois : maintenant les collines battues par les flots au-dessus de Cumes et la Sicile, pèsent sur sa poitrine velue; une colonne du ciel l'oppresse, c'est le blanc Etna, patrie glacée de neiges éternelles;

Str. 2. — L'Etna dont les cavernes vomissent les ondes ardentes d'un feu inaccessible, qui roule de jour les torrents d'une fumée brûlante, tandis que la nuit, les tourbillons d'une rouge flamme emportent les rocs avec fracas dans le bassin profond, des mers. Et le monstre lance aux cieux les plus terribles flots de Vulcain ; prodige affreux à voir, affreux à apprendre de ceux qui ont vu

Ant. 2. — Comme il est attaché entre les cimes ombreuses et la base de l'Etna, et couché sur un lit qui déchire et perce son dos. Puissé-je, ô Jupiter, puissé-je te plaire! ô roi de cette montagne (3), crête d'un pays fertile, nommée comme la ville voisine (4) qu'un glorieux fondateur vient d'illustrer; car, dans le stade pythique, le héraut l'a citée en proclamant le char du noble vainqueur Hiéron.

Ép. 2— La première joie des hommes qui naviguent, c'est qu'au début du voyage le vent souffle propice; car il est probable qu'ils obtiendront aussi un retour heureux. De même les succès présents me font espérer que cette cité (5) sera désormais illustre par ses couronnes et ses coursiers, et vantée dans le* hymnes des banquets. Roi de Lycie et de Délos, ô Phébus, toi.qui chéris la fontaine de Castalie sur le Parnasse, daigne te rappeler mes paroles et une terre de héros.

Str. 3. — Des dieux vient tout ce que peuvent les vertus des hommes, qu'ils soient nés poètes ou avec des bras d'athlètes ou éloquents. Pour moi qui brûle de louer le vainqueur, j'espère bien ne pas jeter hors de la lice le trait au front d'airain que ma main brandit, mais le lançant au loin, dépasser mes rivaux. O que le temps ne cesse jamais de lui départir le même bonheur avec le don de la richesse, qu'il lui apporte aussi l'oubli de ses souffrances (6) !

Ant. 3. —  Alors il lui rappellera quels combats (7) il a soutenus dans les guerres avec un courage invincible , lorsque la main des dieux lui fit conquérir une palme (8) que ne cueille aucun des Hellènes, et qui est le plus beau couronnement des richesses. Naguère, nouveau Philoctète, il a pris (9) les armes. Dans la nécessité, des orgueilleux (10) même l'ont recherché pour ami. On dit qu'à Lemnos vinrent des héros divins, pour en amener celui que tourmentait un ulcère,

Ép. 3. — Le fils de Péan, armé de l'arc; et il renversa la cité de Priam, et il mit fin aux travaux des Grecs, quoiqu'il traînât un corps languissant. Mais c'était l'ordre du destin. Ainsi, puisse un Dieu protecteur assister Hiéron dans le temps futur, et lui donner d'accomplir les vœux de son cœur! Muse, obéis, va chanter aussi chez Dinomène (11) la victoire des quadriges. Elle ne lui est pas étrangère la joie du succès paternel. Ça, trouvons ensuite un hymne cher au souverain de l'Etna (12);

Str. 4. — C'est pour lui qu'Hiéron a bâti cette ville où règne la divine liberté avec les institutions d'Hyllus (13). Ils veulent, les fils de Pamphile (14) et les Héraclides qui habitent au pied du Taygète (15), rester toujours sous la législation dorienne d'Égimius (16). Heureux ifs occupèrent Amycles (17), accourus du Pinde, illustres voisins des Tyndarides(18) aux blancs coursiers, et ils fleurirent par la gloire de leur lance.

Ant. 4. - Puissant Jupiter, fais que les hommes, dans un discours vrai, attribuent toujours une pareille destinée (19) aux citoyens et aux rois sur les rives de l'Amène (20). Que par toi, le héros (21) qui confie la nation à son fils (22), la porte par son affabilité à l'union et à la paix. Je t'en supplie, accorde-moi, fils de Cronos, que le Phénicien (23), que les hordes thyrrhéniennes restent dans leurs demeures, en songeant au désastre honteux de leur flotte devant Cumes,

Ép. 4. — A tout ce qu'ils souffrirent domptés par le roi de Syracuse (24), lui qui du haut des vaisseaux rapides précipitant leur jeunesse dans la mer, affranchit la Grèce (25) d'une accablante servitude. Pour louer dignement les Athéniens, je choisirais Salamine; à Sparte, je citerais le combat au pied du Cithéron (26), où succombèrent les Mèdes aux arcs recourbés, et sur les rives d'Himère aux belles eaux, je paye aux fils (27) de Dinomène un chant qu'ils ont mérité par leur valeur, par la défaite des guerriers ennemis (28).

Str. 5. — Si vous louez à propos, en pressant dans un style bref la fleur de mille exploits, vous êtes moins en butte au blâme des hommes. Car une satiété pénible émousse la curiosité impatiente. Le cœur des citoyens est blessé en secret par la renommée, surtout quand elle vante des biens qu'ils n'ont pas. Toutefois (car il vaut mieux exciter l'envie que la pitié), garde-toi de négliger la gloire. Dirige ton peuple avec le gouvernail de la justice, et façonne ta langue sur l'enclume de la vérité:

Ant. 5. — Pour peu qu'elle s'en écarte, c'est chose grave partant de toi ; tu es l'arbitre de mille intérêts, mille témoins sûrs t'observent en tout. Conserve la fleur de ton caractère, si tu aimes à entendre toujours la douce voix de Ja renommée; ne te lasse point d'être généreux. Semblable au pilote, déploie la voile aux vents; ne te laisse point tromper, ô mon ami, par de flatteuses impostures. Après le trépas, la gloire de la vertu seule rappelle la vie des hommes qui ne sont plus.

Ép. 5 Aux historiens et aux poètes. Elle ne meurt pas l'aimable vertu de Crésus. Le barbare qui brûlait les corps dans un taureau d'airain, Phalaris est toujours sous le poids d'une célébrité odieuse, et les lyres des banquets ne l'admettent point à une douce intimité dans les chants de la jeunesse. La victoire est le premier des biens; la gloire est le second; un mortel qui les rencontre tous deux et les saisit, obtient la plus superbe des couronnes.

 

(1) Voyez l'argument de la première Olympique.

(2) Enfants de Latone.

(3) L'Etna.

(4) Etna.

(5) Etna.

(6) Hiéron souffrait de la pierre.

(7) Contre Polyzèle son frère et Théron, roi d'Agrigente. La bataille d'Himère fut suivie de la prise de cette ville.

(8) Le souverain pouvoir à Syracuse.

(9) Guerre des Grecs et d'Hiéron contre les Étrusques

(10) La ville de Cumes.

(11) Fils d'Hiéron qui habitait Etna. Dissen conclut de ce passage que l'ode est chantée à Syracuse.

(12) Jupiter

(13) Fils d'Hercule.

(14) Fils d'Égimius, roi de la Doride.

(15) Sparte.

(16) Roi de la Doride.

(17) En Laconie.

(18) Castor et Pollux ensevelis à Thérapné.

(19) Qu'on les dise heureux comme les Doriens d'Amycles et qu'ils le soient.

(20) Rivière qui arrosait Etna.

(21) Hiéron.

(22) Dinomène.

(23) Le Carthaginois.

(24) Hiéron.

(25) La Grande-Grèce.

(26) Platée.

(27) Gélon, Hiéron , Polyzèle, Tarasybule.

(28) A Himère.


 


Pindare - Pythiques

 

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