POUR ARCÉSILAS DE CYRENE , VAINQUEUR A LA COURSE DES CHARS Strophe 1. — Toute puissante est la richesse lorsque, alliée à une entière vertu, l'homme mortel qui l'a reçue du destin produit au grand jour cette compagne chérie. Favori des dieux, ô Arcésilas, telle fut, dès le début d'une noble vie, ta glorieuse ambition, grâce à Castor (160) au char brillant, qui, après une vie orageuse, fait luire des jours sereins sur. ton heureux foyer. Antistrophe 1. — Les sages, en effet, rehaussent la puissance même qui vient des dieux. Pour toi, qui marches dans la justice, un bonheur immense t'environne. Car, étant roi de grandes cités, ta vertu personnelle trouve dans cette dignité un éclat qui sied à ton âme; et maintenant tu es heureux encore, après la victoire de tes coursiers dans l'illustre Pythiade, de recevoir ce cœur d'hommes, Épode 1. — Délices d'Apollon. N'oublie donc pas au moment où tu es chanté dans Cyrène, près du charmant jardin d'Aphrodite, de tout rapporter à ce dieu. Chéris surtout Carrhotus (161) parmi tes compagnons, lui qui n'a pas songé à se faire suivre de l'Excuse, fille de l'imprudent (162) Epiméthée, en rentrant dans le palais des Battides (163), amis de la justice; mais qui, reçu aux eaux de Castalie (164), a ceint tes cheveux de la couronne Str. 2. — Des chars vainqueurs, après avoir, sans rompre les rênes, parcouru douze fois l'enceinte sacrée. Car rien du solide équipage n'a été brisé. Mais, tout entier, l'attirail est suspendu , ce chef-d'œuvre d'ouvriers adroits avec lequel il a traversé la colline (165) de Crisa, pour arriver dans la vallée du dieu ; suspendu à un dôme de cyprès à côté de cette statue que les Crétois archers ont placée dans le trésor (166) du Parnasse, statue naturelle formée d'un seul tronc d'arbre. Ant. 2. — Reçois donc ton bienfaiteur (167) avec une âme empressée. Pour toi, fils d'Alcibiade (168), les Grâces à la belle chevelure te célèbrent. Heureux après de grands efforts, lu as de plus dans ces vers un magnifique monument. Car, au milieu de quarante conducteurs tombés de leurs chars, tu as sauvé le tien tout entier avec un courage intrépide ; et déjà tu es revenu des luttes glorieuses dans les champs de la Libye, dans la ville de tes ancêtres. Ép. 2. — Personne n'est et ne sera exempt de peines. II se maintient pourtant malgré des retours, l'antique bonheur de Battus, rempart de la ville, phare brillant pour les étrangers. Loin de Battus, les lions même rugissants fuirent épouvantés, lorsqu'il leur apporta les paroles d'au (169) delà des mers. Chef de la colonie, Apollon livra ces monstres au plus vif effroi, afin que ses oracles pour le roi (170) de Cyrène ne fussent point sans effet. Str. 3. — Apollon dispense aux hommes et aux femmes les remèdes des cruelles maladies ; il prête la lyre, il donne la muse à qui lui plaît, versant dans les cœurs une modération ennemie de la guerre : c'est lui qui règne dans l'antre prophétique, d'où il a (171) envoyé à Lacédémone, à Argos et dans la divine Pylos les robustes fils d'Hercule et d'Égimius (172). De Sparte, dit-on, me vient une gloire que j'aime. Ant. 3. — Elle a vu naître les Égides (173), mes ancêtres , qui passèrent de là dans Théra, non sans l'aide des dieux; n'est-ce pas un de leurs arrêts qui y a transporté (174) le banquet aux nombreuses victimes? Ainsi nous l'avons reçu, Apollon Carnéen (175), et dans tes fêtes, nous célébrons Cyrène aux beaux édifices ; de belliqueux étrangers l'habitent, des Troyens, fils d'Anténor. Car ils y arrivèrent avec Hélène, après avoir vu leur patrie incendiée Ép. 3. — Dans la guerre. Et cette nation de cavaliers est honorée (176) de sacrifices, de visites et d'offrandes par les hommes auxquels Aristotèle (177), sur de rapides navires, a ouvert la route des mers profondes. Il agrandit les bois sacrés des dieux, construisit en ligne droite, pour les utiles pompes d'Apollon, une route nivelée, battue par les chevaux, pavée, où lui-même, à l'extrémité de la lice, repose à part depuis sa mort. Str. 4. — Il vivait heureux parmi les hommes : depuis, il est pour le peuple un héros vénéré. Ou honora séparément, devant leurs palais, les autres rois qui subirent le trépas. Leur vertu sublime s'abreuve de la douce rosée des libations poétiques, et, dans les enfers, leur âme apprend le bonheur, la gloire qu'ils partagent avec un fils, et que mérite Arcésilas. Pour lui, dans ce chœur des jeunes hommes, il doit chanter Apollon à la lyre d'or, Ant. 4. —Puisque c'est de Pytho que lui vient un doux hymne de victoire, prix de ses efforts. Les sages louent ce mortel ; je répète ce que l'on dit : il nourrit des pensées au-dessus de son âge. Par son éloquence et par sa valeur, c'est un aigle qui déploie ses ailes au milieu des oiseaux ; sa force est un rempart dans les combats : parmi les Muses il a pris l'essor dès les premières caresses d'une mère. Et il brille par son adresse à guider un char. Ép. 4. — Et toutes les routes des gloires nationales, il les a tentées. Aujourd'hui même encore un dieu protecteur accomplit ses vœux: puissiez-vous de même dans l'avenir , ô bienheureux Cronide, seconder et ses actions et ses projets! Que le souffle glacé du vent fatal aux fruits ne flétrisse pas sa vie. La volonté suprême de Jupiter règle le sort des mortels qu'il chérit. Je le prie d'accorder aussi à la race de Battus une victoire olympique.
(161) Frère de la reine ; il avait conduit le char d'Arcésilas. (162) Fils de Japet; il ouvrit la boite de Pandore, et s'aperçut trop lard de son imprudence (163) Descendants de Battus, fondateur de Cyrène. (164) A Delphes; comme on recevait les étrangers et les concurrents. (165) De Cyrène Carrhotus est venu à Cirrha sur le golfe de Corinthe ; puis il a franchi la colline de Crisa pour descendre dans la vallée où était l'hippodrome : Dissen. (166) Édifice où se conservaient les offrandes consacrées à Apollon. (167) Carrhotus. (168) Carrhotus. (169) De l'oracle de Delphes. (170) Battus parti de Théra. (171) C'est Apollon qui a conduit les Doriens dans le Péloponnèse. (172) Roi de la Doride et contemporain d'Hercule qui le secourut. (173) Tribu de Sparte. (174) Avec les Égides qui passèrent de Sparte à Théra. (175) Dans les fêtes carnéennes chaque assistant fournissait sa victime : c'étaient des sacrifices auxquels tous contribuaient. Elles avaient été instituées, dit-on, en l'honneur de Camus, favori d'Apollon. (176) Dans la tombe. (177) Battus.
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