Arthur Rimbaud (1854-1891) Recueil : Poésies (1870-1871)
Le Buffet
C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre, Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ; Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;
Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries, De linges odorants et jaunes, de chiffons De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries, De fichus de grand-mère où sont peints
des griffons ;
— C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches Dont le parfum se mêle à des
parfums de fruits.
— Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires, Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.