Heureux qui, se livrant aux sages disciplines, Nourri du lait sacré des antiques doctrines, Ainsi que de talents a jadis hérité D'un bien modique et sûr qui fait la liberté ! Il a, dans sa paisible
et sainte solitude, Du loisir, du sommeil, et les bois et l'étude, Le banquet des amis, et quelquefois, les soirs, Le baiser jeune et frais d'une blanche aux yeux noirs. Il ne faut point qu'il dompte un ascendant suprême, Opprime son génie et s'éteigne soi-même, Pour user sans honneur et sa plume et son temps A des travaux obscurs tristement importants. Il n'a point, pour pousser sa barque vagabonde, A se précipiter
dans les flots du grande monde; Il n'a point à souffrir vingt discours odieux De raisonneurs méchants encor plus qu'ennuyeux, Tels qu'en de longs détours de disputes frivoles Hurlent de vingt partis les prétentions
folles: Prêtres et gens de cour, ambitieux tyrans, Nobles et magistrats, superbes ignorants, Tous vieux usurpateurs et voraces corsaires, Et dignes héritiers de l'esprit de nos pères. Il n'entend point
tonner le chef-d'oeuvre ampoulé D'un sourcilleux rimeur au fauteuil installé. Il ne doit point toujours déguiser ce qu'il pense, Imposer à son âme un éternel silence, Trahir la vérité
pour avoir le repos, Et feindre d'être un sot pour vivre avec les sots.