C’est lâche ! J’aurais dû me fâcher, j’aurais dû
Lui dire ce que c’est qu’un bonheur attendu
Si longtemps et qui manque, et qu’une nuit pareille
Qu’on passe, l’œil
fixé sur l’horloge et l’oreille
Tendue au moindre bruit vague de l’escalier.
C’est lâche ! J’aurais dû me faire supplier,
Avoir à pardonner la faute qu’on avoue
Et
boire en un baiser ses larmes sur sa joue.
Mais elle avait un air si tranquille et si doux
Qu’en la voyant je suis tombé sur les genoux ;
Et, me cachant le front dans les plis de sa jupe,
J’ai savouré
longtemps la douceur d’être dupe.
Je n’ai pas exigé de larmes ni d’aveux,
Car ses petites mains jouaient dans mes cheveux ;
Tandis que ses deux bras m’enlaçaient de leur chaîne,
D’avance j’absolvais la trahison prochaine,
Et, vil esclave heureux de reprendre ses fers,
J’ai demandé pardon des maux que j’ai soufferts.