Pétrarque (1304-1374)
Recueil : Sonnets et Canzones - Sujets variés Traductions, commentaires et numérotations de Francisque Reynard (1883) Sujets variés - Canzones V-01 à V-04Canzone V-01 : À Giacomo Colonna, pour qu’il seconde l’entreprise du roi de France contre les infidèles. Canzone V-01 À Giacomo Colonna, pour qu’il seconde l’entreprise du roi de France contre les infidèles.
Forse i devoti e gli amorosi preghi Chiunque alberga tra Garonna e ’l monte Una parte del mondo è che si giace Dunque ora è ’l tempo da ritrarre il collo Tu, ch’ài per arricchir d’un bel tesauro, Pon mente al temerario ardir di Serse, Tu vedra’ Italia e l’onorata riva,
Peut-être les dévotes et amoureuses prières, peut-être les larmes saintes des mortels sont-elles parvenues jusqu’à la pitié suprême ; peut-être aussi n’ont-elles pas été assez nombreuses ni assez fortes, pour que leur mérite fît changer le cours de la justice éternelle ; mais ce Roi clément qui gouverne le ciel, a-t-il jeté, par le simple effet de sa grâce, les yeux sur le lieu sacré où il fut mis en croix, et a-t-il inspiré au cœur du nouveau Charles le désir d’une vengeance dont le retard nous est si nuisible que depuis nombre d’années l’Europe soupire après elle. C’est ainsi qu’il a secouru son épouse aimée, de sorte que sa voix seule a fait trembler la Babylonie et la rend inquiète. Quiconque habite entre la Garonne et les monts, entre le Rhône, le Rhin et les ondes salées, accompagne les étendards très chrétiens ; et quiconque, des Pyrénées jusqu’à l’extrême horizon, s’est montré désireux de la vraie gloire, laissera déserts l’Espagne et l’Aragon. L’Angleterre ainsi que les îles que baigne l’Océan entre le Chariot et les Colonnes, enfin tous les pays où s’enseigne la doctrine du saint Évangile, pays variés de langage, d’armes et de costumes, sont poussés par la charité à la sainte entreprise. Eh ! quel amour plus licite et plus noble, même l’amour filial et l’amour maternel, fournit jamais matière à si juste indignation ? Il est une portion du monde qui est toujours dans les glaces et dans les neiges glacées, tellement elle est loin du chemin du soleil. Là, parmi les jours nébuleux et courts, naît une population naturellement ennemie de la paix, et à qui il n’en coûte rien de mourir. Si cette population, plus dévouée que d’habitude, prend les armes pour seconder la fureur tudesque, tu dois bien comprendre combien elle est à craindre des Turcs, des Arabes, des Chaldéens et de tous ceux qui placent leur espoir dans les dieux de ce côté de la mer aux eaux sanglantes, nations qui combattent sans armures, craintives et efféminées, qui ne surent jamais manier le fer, mais qui confient au vent tous leurs coups. Donc, c’est l’heure et le temps de retirer notre cou de l’antique joug, et de déchirer le voile qui avait été déroulé autour de nos yeux ; il est temps que le noble génie que tu tiens du ciel par la grâce de l’immortel Apollon, montre ici la valeur de son éloquence par des discours et par des écrits dignes de louange. Si, en lisant les exploits d’Orphée et d’Amphion, tu ne t’étonnes point, tu t’étonneras bien moins encore que l’Italie et ses enfants se lèvent au son de ton éclatante parole, et prennent la lance en faveur de Jésus. Car si cette antique mère voit juste, elle comprendra qu’en aucune de ses guerres, elle n’a eu de si belles et de si admirables raisons. Toi qui, pour t’enrichir d’un beau trésor, as consulté les ouvrages anciens et modernes, t’élevant jusqu’au ciel malgré la pesanteur terrestre, tu sais combien, depuis le fils de Mars jusqu’au grand Auguste qui, trois fois triomphant, orna trois fois sa tête du vert laurier, Rome fut prodigue de son sang pour venger les injures faites à d’autres. Pourquoi donc aujourd’hui ne serait-elle pas, non point prodigue, mais reconnaissante et pieuse, pour venger les offenses impies faites au glorieux fils de Marie ? Quel espoir nos ennemis mettront-ils dans les humaines défenses, si le Christ est parmi leurs adversaires ? Reporte ton esprit à la téméraire audace de Xerxès qui, pour fouler aux pieds nos rivages, osa outrager la mer en la couvrant de ponts d’une nouvelle espèce, et tu verras toutes les femmes de la Perse, revêtues de noir à cause de la mort de leurs maris, et la mer de Salamine toute teinte en rouge. Or la victoire ne te promet pas seulement une semblable défaite du peuple infidèle d’Orient, mais une extermination comme celle de Marathon, comme celle des mortels défilés que défendit Léonidas avec si peu de gens, et comme mille autres dont tu as entendu parler ou que tu as lues. C’est pourquoi, il convient d’incliner profondément les genoux et l’esprit devant Dieu qui a choisi ton siècle pour tant de bienfaits. Ô ma chanson, tu verras l’Italie et sa rive glorieuse que défend et cache à nos yeux, non point la mer, non point une montagne ou un fleuve, mais l’Amour seul qui me charme d’autant plus qu’il m’embrase davantage. La nature ne peut résister à l’habitude. Or va, ne te sépare point de tes autres compagnons ; l’Amour, par qui l’on vit et l’on pleure, ne marche pas toujours un bandeau sur les yeux.
À Colas di Rienzo, pour le prier de rendre à Rome son antique liberté.
Non spero che già mai dal pigro sonno L’antiche mura, ch’ancor teme ed ama E se cosa di qua nel ciel si cura, Le donne lagrimose, e ’l vulgo inerme Orsi, lupi, leoni, aquile e serpi Rade volte addivien ch’a l’alte imprese Sopra ’l monte Tarpeo, Canzon, vedrai
Je n’espère pas qu’elle relève jamais la tête dans son sommeil nonchalant, tellement elle est affaissée sous une lourde charge. Mais ce n’est pas sans un but du destin que Rome, notre tête, est maintenant confiée à ton bras qui peut la secouer fortement et la relever. Porte sans crainte la main sur sa vénérable chevelure et dans ses tresses éparses, de façon à tirer cette indolente de sa fange. Moi, qui jour et nuit pleure sur son état misérable, j’ai placé en toi la plus grande partie de mon espoir ; car si jamais le peuple de Mars devait lever les yeux sur son propre honneur, il me semble que la gloire ne pourrait en échoir qu’à ton temps. Les antiques murs que le monde craint et aime encore, et au souvenir desquels il tremble quand il se rappelle le temps passé et se rejette en arrière ; les tombeaux où furent enfermés les ossements de tant de gens qui ne seront point sans renommée tant que l’univers ne tombera point en dissolution, et tout ce qui est enveloppé dans une même ruine, espère guérir par toi de tous ses vices. Ô grands Scipions, ô fidèle Brutus, combien elle a dû vous plaire, si elle vous est arrivée là-bas, la rumeur de cette mission si bien placée ! Comme je crois que Fabricius a dû être joyeux en apprenant la nouvelle, et comme il a dû dire : Ma Rome sera belle encore. Et si on a souci dans le ciel de quelque chose d’ici-bas, les âmes qui habitent là haut et ont laissé leur corps à la terre, te prient de mettre fin aux longues discordes civiles qui enlèvent toute sécurité aux citoyens, et qui font que leurs sépultures, jadis si honorées, sont aujourd’hui, par suite de la guerre, abandonnées comme des sépultures de voleurs, tellement que les bons en sont seuls exclus, et que, parmi les autels et parmi les statues dépouillées, on se livre aux plus cruelles entreprises. Oh ! que d’actes coupables ! On ne commence aucun assaut sans sonner les cloches, lesquelles furent élevées pour rendre grâce à Dieu. Les femmes larmoyantes et la multitude sans défense des enfants, les vieillards fatigués qui ont en horreur eux-mêmes et leur trop longue existence ; les moines noirs, gris et blancs, ainsi que les autres classes de citoyens malades et infirmes, crient : « Notre seigneur, aide, aide ! » et la malheureuse population épouvantée, te découvre par milliers ses plaies qui apitoieraient Annibal lui-même. Et si tu regardes attentivement la maison de Dieu, qui aujourd’hui est tout en flammes, tu verras qu’en éteignant seulement quelques étincelles, les esprits qui se montrent si enflammés de haine, redeviendront tranquilles. Pourquoi, ton œuvre serait louée dans le ciel. Les ours, les loups, les aigles et les serpents nuisent souvent à une grande colonne de marbre, tout en se nuisant à eux-mêmes. C’est d’eux que se plaint la noble dame qui t’a appelé, afin que tu arraches de son sein les mauvaises plantes qui ne peuvent fleurir. Voilà plus de mille ans que lui font défaut ces belles âmes qui l’avaient placée là où elle était. Ah ! nouvelles générations, démesurément hautaines, indignes d’une si grande et d’une telle mère ! Tu es son époux, tu es son père ; elle attend tout secours de ta main, car son souverain père a l’esprit occupé à d’autres œuvres. Rarement il arrive que la fortune injurieuse ne s’oppose pas aux hautes entreprises, car elle s’accorde mal aux grandes actions. Or, débarrassant le passage par lequel tu es entré, fais que je lui pardonne ses autres nombreux méfaits ; qu’au moins, en cela, elle se montre diverse d’elle même. De mémoire d’homme, aucun mortel n’eut, comme toi, la voie ouverte pour s’acquérir une éternelle renommée ; car, si je ne me trompe point, tu peux relever la plus noble monarchie. Quelle gloire ce sera pour toi, d’entendre dire : les autres l’ont aidée quand elle était jeune et forte, lui, l’a sauvée de la mort, dans sa vieillesse ! Chanson, tu verras sur le mont tarpéien un chevalier que l’Italie tout entière honore, plus soucieux des autres que de soi-même. Dis lui : quelqu’un qui ne t’a pas encore vu de près, mais qui s’est épris de toi, sur ton renom, dit que Rome, les yeux baignés et humides de douleur, te crie à toute heure merci de toutes les sept collines.
Il s’est épris de la Gloire, parce qu’elle lui montrera le chemin de la vertu.
Questa mia donna mi menò molti anni Ma non mel tolse la paura o ’l gelo; Rado fu al mondo, fra così gran turba, I’ volea dir: quest’è impossibil cosa; Ruppesi intanto di vergogna il nodo Siccome piacque al nostro eterno padre, Canzon, chi tua ragion chiamasse oscura,
Cette mienne dame me guida pendant de nombreuses années, brûlant d’une juvénile ardeur, uniquement, comme je le comprends aujourd’hui, pour m’éprouver plus sûrement, me montrant tantôt son ombre, tantôt son voile ou ses vêtements, mais me cachant son visage. Et moi, hélas ! croyant en voir assez, je passai dans la joie toute ma jeunesse, et le souvenir m’en réjouit encore. Puisque maintenant je vois un peu plus d’elle que par le passé, je dis qu’il y a peu de temps elle se découvrit à moi comme je ne l’avais pas vue jusque-là ; ce qui me produisit dans le cœur un froid glacial qui y est encore, et qui y restera jusqu’au jour où je serai dans ses bras. Mais la peur et le trouble ne me ravirent pas tellement à moi-même que je ne donnai à mon cœur assez de hardiesse pour les fouler aux pieds, afin de tirer plus de douceur de ses yeux. Et elle, qui avait déjà remis le voile devant les miens, me dit : « — Ami, vois comme je suis belle ; et demande tout autant qu’il te semble convenir à ton âge. — » « — Madame, dis-je, il y a déjà longtemps que j’ai mis en vous mon amour que je sens maintenant si ardent ; ce qui fait, qu’en cet état, toute autre volonté m’est enlevée. — » Alors, avec une voix admirablement douce, et avec un air qui me fera trembler et espérer toujours, elle répondit : « — Rarement en ce monde, parmi une si grande foule, un homme a entendu parler de mon mérite sans ressentir au cœur, au moins pour quelque temps, quelque étincelle d’amour. Mais mon ennemie, que toute chose bonne irrite, l’éteint bientôt ; de là meurt toute vertu, et domine un autre maître qui promet une vie plus tranquille. Amour, qui l’ouvrit tout d’abord, m’a dit sur ton esprit des choses d’où je vois vraiment que le grand désir te fera digne d’une fin honorée. Et comme tu es déjà de mes rares amis, tu verras en cette qualité une dame dont la vue te réjouira plus que la mienne. — » Je voulais dire : c’est chose impossible, quand elle : « — Or, lève un peu les yeux et vois, dans un lieu plus calme, une dame qui s’est toujours montrée à peu de gens. — » J’inclinai vivement mon front couvert de rougeur, sentant en moi un feu plus grand. Et elle s’en fit un jeu, disant : — « Je vois bien à quoi tu penses. De même que le Soleil, par ses rayons puissants, fait soudain disparaître toutes les autres étoiles, ainsi maintenant ma vue te semble moins belle, vaincue qu’elle est par une lumière plus éclatante. Mais pourtant je ne permets pas que tu me quittes, car cette dame et moi, nous sommes nées d’une même semence, et nous avons été enfantées d’une même couche, elle d’abord et moi ensuite. — » La vergogne rompit alors le lien qui m’avait été noué autour de la langue, lors de cette première confusion que j’éprouvai quand je m’aperçus qu’elle s’apercevait de mon trouble ; et je commençai : « — Si ce que j’entends est vrai, bienheureux le père, et bienheureux le jour qui vous ont produite au monde pour l’embellir ; et bienheureux tout le temps que j’ai employé à vous suivre ! Et si jamais je me détournai de la droite voie, je m’en repens fort, et plus que je ne le montre. Mais si j’étais digne d’en entendre davantage sur votre condition, j’en brûle de désir. — » Pensive, elle me répondit, son doux regard tellement fixé sur le mien qu’elle le faisait pénétrer au fond de mon cœur avec ses paroles : « — Ainsi qu’il plut à notre père éternel, chacune de nous deux naquit immortelle. Malheureux, à quoi cela vous sert-il ? Il eût mieux valu pour vous que nous fussions moins parfaites. Pendant un temps, nous fûmes aimées, belles, jeunes et agréables ; et maintenant nous en sommes venues à un tel point, que ma sœur bat des ailes pour retourner à son antique patrie. Pour moi, je suis une ombre ; et maintenant je t’en ai dit tout autant que tu pouvais en entendre si rapidement. — » Puis, elle fit quelques pas en disant : « — Ne crains pas que je m’éloigne. — » Et elle cueillit une couronne de vert laurier, qu’elle posa de ses mains tout autour de mon front. Chanson, à qui dira que ton sens est obscur, réponds : je n’en ai cure, car j’espère que bientôt un autre écrit fera éclater la vérité dans un langage plus clair. Je viens seulement pour réveiller les esprits, si toutefois celui qui m’a imposé ce rôle ne m’a pas trompée quand je me suis séparée de lui.
Aux grands de l’Italie, pour les engager à la délivrer de son dur esclavage.
Voi, cui Fortuna à posto in mano il freno Ben provvide Natura al nostro stato Cesare taccio, che per ogni piaggia Nè v’accorgete ancor, per tante prove, Non è questo il terren ch’i’ toccai pria ? Signor, mirate come ’l tempo vola, Canzone, io t’ammonisco
Vous, aux mains de qui la Fortune a mis les rênes des belles contrées pour lesquelles il semble qu’aucune pitié ne vous étreigne, que font ici tant d’épées étrangères ? Pourquoi cette verte terre se teindrait-elle du sang barbare ? Une erreur vaine vous leurre ; vous voyez peu et il vous semble voir beaucoup, car dans un cœur vénal vous cherchez amour ou fidélité. Celui qui possède le plus de gens d’armes, est celui qui a le plus d’ennemis autour de lui. Ô déluge venu de quels déserts étranges pour inonder nos douces campagnes ! Si c’est de nos propres mains que cela nous arrive, qui donc nous en délivrera ? La Nature a bien pourvu à notre tranquillité, quand elle a placé le rempart des Alpes entre nous et la rage tudesque ; mais le désir aveugle et qui va contre son propre intérêt, s’est depuis tellement ingénié, qu’à un corps sain il a donné la gale. Maintenant, en une même cage, sont enfermées les bêtes sauvages et les douces brebis, de sorte que c’est toujours le meilleur qui en souffre. Et, pour plus de honte, cela nous vient des descendants du peuple sans loi à qui, comme on le lit dans l’histoire, Marius ouvrit si bien le flanc, que le souvenir de ce haut fait n’est pas encore effacé, alors que, las et assoiffé, il ne trouva plus à boire dans le fleuve que du sang au lieu d’eau. Je passe sous silence César, qui teignit l’herbe du sang de leurs veines, par toutes les plaies qu’il leur fit avec notre fer. Maintenant il semble, par je ne sais quelles malignes étoiles, que le ciel nous ait en haine, grâce à vous à qui une si grande mission a été confiée. Vos volontés divisées ruinent la plus belle partie du monde. Quelle faute, quel jugement ou quelle destinée vous font molester le voisin appauvri, poursuivre les malheureux affligés et en fuite, chercher au dehors des gens d’armes, et avoir pour agréable qu’ils répandent leur sang et vendent leur âme pour un vil prix ? Je parle pour dire la vérité, non par haine d’autrui, ni par mépris. Ne vous apercevez-vous pas non plus, après tant de preuves, de la fourberie bavaroise, qui, levant le doigt, plaisante avec la mort ? Ce jeu est pire, à mon avis, que le dommage qu’il nous cause. Mais votre sang pleut plus largement, car une autre colère vous excite. De mâtine à tierce, pensez à nous, et vous verrez combien peu on estime autrui quand on se tient soi-même pour si vil. Noble sang latin, secoue loin de toi ces dangereux fardeaux ; ne te fais pas, sans sujet, une idole d’un vain titre, car si la fureur d’une nation sauvage nous surpasse en intelligence, c’est notre faute et non chose naturelle. N’est-ce pas là la terre que j’ai foulée la première ? N’est-ce pas là le nid où je fus élevé si doucement ? N’est-ce pas là la patrie en qui je me confie, mère bénigne et pieuse, qui recouvre mes ancêtres ? Pour Dieu, que cela émeuve parfois votre esprit ; considérez avec pitié les larmes du peuple douloureux qui de vous seul, après Dieu, attend le repos ; et pour peu que vous donniez quelque signe de pitié, la vertu s’armera contre la fureur, et le combat sera court, car l’antique valeur n’est pas encore morte dans les cœurs italiens. Seigneurs, voyez comme le temps vole, comme fuit la vie, et comme la mort est sur nos épaules. Aujourd’hui, vous êtes ici ; pensez au départ, car il faut que l’âme, nue et seule, arrive à ce douteux sentier. Pour traverser cette vallée, qu’il vous plaise de déposer la haine et l’envie, vents contraires à la vie sereine ; et que celui qui passe son temps à nuire à autrui, emploie à quelque action plus digne son bras ou son intelligence, à prononcer quelque belle louange, et se convertisse à quelque honnête entreprise. C’est ainsi qu’on est heureux ici bas et que l’on s’ouvre le chemin du ciel. Chanson, je t’avertis de dire doucement tes raisons, car il te faut aller parmi des gens altiers, dont les esprits sont déjà remplis de la coutume ancienne, mauvaise et toujours ennemie du vrai. Tu tenteras la fortune parmi peu de magnanimes, à qui le bien plaise. Dis-leur : « Qui me rassurera ? Je vais criant : la paix, la paix, la paix ! »
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Pétrarque
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