... Il ne faut point vanter cette vieille Arcadie, Ses rochers, ni ses pins, encore qu'elle die Que ses pasteurs sont nés avant que le Croissant Fût au Ciel, comme il est, de nuit apparaissant. La France la surpasse en antres plus sauvages, En rochers, en forêts, en sources, en rivages, En Nymphes et en Dieux, qui bénins sont contents De se montrer à nous et nous voir en tout temps. O bienheureuse France, abondante et fertile! Si l'encens et le baume en tes champs ne distille, Si l'amome Asien sur tes rives ne croît, Si l'ambre sur les bords de ta mer n'apparoît, Aussi le chaud extrême et la poignante glace Ne corrompt point ton air, et la méchante race Des dragons, des lions si fièrement marchants Comme ils font autre part, ne gâte point tes champs. Que dirons-nous ici de la haute montagne D'Auvergne, et des moissons de la grasse Champagne, L'une riche en troupeaux, et l'autre riche en blé Au voeu des laboureurs d'usure redoublé ? Que dirons-nous d'Anjou et des champs de Touraine, De Languedoc, Provence, où l'Abondance pleine De sillon en sillon fertile se conduit Portant sa riche Corne enceinte de beau fruit ? Que dirons-nous encor de cent mille rivières, Qui arrosent les pieds de tant de villes fières ?... Là fleurit la vertu, l'honneur et la bonté, La douceur y est jointe avec la gravité, Le désir de louange et la peur d'infamie, Et tout ce qui dépend de toute prud'homie. Là les pères vieillards en barbe et cheveux gris Conduisent leurs enfants pour y être nourris, Et pour mettre une bride à leur jeunesse folle, Car de toute vertu la France est une école. Je te salue, heureuse et féconde maison, Qui fleuris en tout temps sans perdre ta saison, Mère de tant de Rois, de tant de riches villes, Et de tant de troupeaux par les plaines fertiles... |
Pierre de Ronsard
Poèmes de Pierre de Ronsard
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