Pindare (-518 à -438)

Traduction de Faustin Colin (1841)

NÉMÉENNE VI



POUR ALCIMIDAS D'ÉGINE , JEUNE LUTTEUR

Strophe 1. — Il est une race d'hommes, une race de dieux; et c'est une même mère qui nous donna le souffle. Mais entre eux il y a toute l'étendue de la puissance. D'un côté, rien; de l'autre, le ciel d'airain appuyé sur des fondements inébranlables. Toutefois nous nous rapprochons un peu des immortels par la vigueur de l'âme ou du corps, quoique nous ignorions le but vers lequel, et de jour et de nuit, le destin nous ordonne de courir.

Antistrophe 1. — Il le prouve aujourd'hui même, Alcimidas. Sa famille parait semblable aux fertiles campagnes que l'on voit tour à tour, ou prodiguer aux hommes les moissons de l'année, ou se reposer pour recouvrer leur fécondité. Revenu des luttes attrayantes de Némée, ce jeune combattant, avide de la destinée (103) que dispense Jupiter, ne s'est point montré malheureux poursuivant à la lutte,

Épode 1. — En marchant sur les traces de son aïeul Praxidamas (104). Car, vainqueur dans Olympie, couronné le premier, en (105) l'honneur des Éacides, des palmes (106) de l'Alphée, cinq fois dans l'Isthme, trois fois à Némée, il a sauvé de l'oubli Soclide (107), l'aîné des fils d'Agésimaque.

Str. 2. — Tous trois (108), en effet, athlètes victorieux, ont atteint le faite de la gloire, après avoir tenté les luttes. Avec l'aide de Dieu, il n'est point de famille que le pugilat ait fait dépositaire d'un plus grand nombre de couronnes dans le sein de la Grèce. J'espère donc, en racontant de grandes choses, frapper droit au but, comme en lançant une flèche de l'arc. Muse, dirige vers  eux (109) le souffle glorieux de tes vers. A leurs héros expirés,

Ant. 2. — Poètes et historiens ont rendu honneur, pour les beaux exploits qui ne manquent pas aux Bassides : race depuis longtemps illustre, qui chargerait une nef de ses propres louanges, qui donnerait aux amis des Piérides une moisson d'hymnes, prix de faits héroïques. Car, au sein de la divine Pytho, les mains entourées de courroies, Callias, sang de cette noble race, a vaincu jadis, Callias chéri des enfants de Latone au fuseau d'or :

Ép. 2. — Et, près de la fontaine de Castalie (110), il a brillé le soir dans l'assemblée des Grâces (111); et le pont (112) infatigable de la mer, pendant la fête que les peuplades voisines célèbrent tous les trois ans par des hécatombes, l'a aussi honoré dans l'enceinte (113) consacrée à Neptune ; enfin l'herbe du lion l'a couronné vainqueur au pied (114) des vieilles montagnes ombreuses de Phlionte (115).

Str. 3. — Un vaste champ est ouvert de toutes parts aux doctes pour chanter cette île (116) célèbre, puisque les Éacides lui ont assuré une gloire insigne en déployant de grandes vertus. Leur nom vole au loin sur la terre et sur la mer. Il s'est élancé jusque chez les Éthiopiens que Memnon ne revit jamais. Achille leur fit essuyer un rude choc lorsque, descendu à terre de son char,

Ant. 3. — Il tua le fils (117) de la brillante aurore avec la pointe de sa lance courroucée. Déjà le char des anciens a découvert cette route, et je m'empresse moi-même de la suivre. Mais toujours, dit-on, le flot (118) qui roule devant la carène du navire agile plus fortement le cœur de l'homme. Or, le dos chargé volontairement d'un double (119) fardeau, je suis venu, comme messager, proclamer la vingt-cinquième gloire,

Ép. 3. — Acquise dans les combats que l'on appelle sacrés par la race illustre d'AIcimidas. Dans l'enceinte de Cronius (120), ô jeune homme, c'est le caprice du sort qui a enlevé à Timidas (121) et à toi deux fleurs olympiques. Le Dauphin qui fend la mer, je le déclare, n'est pas plus agile que Milésias (122) qui gouverne les mains et la force.

 

(103) De la victoire.  

(104) Fils de Soclide.

(105) Le premier des Eginètes, il offrit one couronne olympique aux Éacides et la déposa dans leur temple à Égine.

(106) La couronne olympique.

(107) Père de Praxidamas.

(108) Agésimaque, Praxidamas, Alcimidas.

(109)  Vers Agésimaque, Praxidamas. Alcimidas.

(110) A Delphes.

(111) Qui président aux chants de victoire.

(112) L'Isthme de Corinthe.

(113 Dans l'Isthme.

(114) A Némée.

(115) En Achaîe, au sud de Sicyone.

(116) Égine.

(117) Memnon.

(118) Ce qui l'occupe, c'est le présent; or, Pindare ici doit chanter Alcimidas, plutôt que les Éacides.

(119) Chanter Alcimidas puis les Éacides.

(120) A Olympie.

(121) Parent d'Alcimidas

(122) Maître d'Alcimidas.

 


Pindare - Néméennes

 

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