Antoine de Bertin (1752-1790)
Recueil: Les Amours (1780) - Livre III

À M. le Vicomte de B** B**


 

Tandis qu’au séjour du tonnerre
Dressant ton vol audacieux,
Loin des limites de la terre
Tu chantes la paix et la guerre,
Assis à la table des Dieux ;
Moi, dans les bosquets d’Amathonte
Malgré moi ramené toujours
Hélas ! à célébrer ma honte
Je perds les plus beaux de mes jours.
Souvent j’ai dit à ma maîtresse :
« C’est trop languir dans la paresse ;
« J’en rougis... Tiens, séparons-nous ;
« Va-t’en. » Soudain l’enchanteresse
Vient se placer sur mes genoux,
Des deux mains à mon cou s’enlace,
Et me donne, en versant des pleurs,
Mille baisers pleins de douceurs,
De ma constance déjà lasse
Trop sûrs, trop aimables vainqueurs
Je cède ; et, reprenant ma lyre,
Qu’elle court me chercher soudain,
Je chante son regard divin,
Son doux parler, son doux sourire,
Les jeux, les amours, et le vin.

 

 


Antoine de Bertin

 

03antoine de bertin