Je veux m’abstraire vers vos cuisses et vos fesses, Putains, du seul vrai Dieu seules prêtresses vraies, Beautés mûres ou non, novices et professes, Ô ne vivre plus qu’en vos fentes et vos raies ! Vos pieds sont merveilleux, qui ne sont qu’à l’amant, Ne reviennent qu’avec l’amant, n’ont de répit Qu’au lit pendant l’amour, puis flattent gentiment Ceux de l’amant qui las et soufflant se tapit. Pressés, fleurés, baisés, léchés depuis les plantes Jusqu’aux orteils sucés les uns après les autres, Jusqu’aux chevilles, jusqu’aux lacs des veines lentes, Pieds plus beaux que des pieds de héros et d’apôtres ! J’aime fort votre bouche et ses jeux gracieux, Ceux de la langue et des lèvres et ceux des dents Mordillant notre langue et parfois même mieux, Truc presque aussi gentil que de mettre dedans ; Et vos seins, double mont d’orgueil et de luxure Entre quels mon orgueil viril parfois se guinde Pour s’y gonfler à l’aise et s’y frotter la hure : Tel un sanglier ès vaux du Parnasse et du Pinde. Vos bras, j’adore aussi vos bras si beaux, si blancs, Tendres et durs, dodus, nerveux quand faut et beaux Et blancs comme vos culs et presque aussi troublants, Chauds dans l’amour, après frais comme des tombeaux. Et les mains au bout de ces bras, que je les gobe ! La caresse et la paresse les ont bénies, Rameneuses du gland transi qui se dérobe, Branleuses aux sollicitudes infinies ! Mais quoi ? Tout ce n’est rien, Putains, aux pris de vos Culs et cons dont la vue et le goût et l’odeur Et le toucher font des élus de vos dévots, Tabernacles et Saints des Saints de l’impudeur. C’est pourquoi, mes sœurs, vers vos cuisses et vos fesses Je veux m’abstraire tout, seules compagnes vraies, Beautés mûres ou non, novices ou professes, Et ne vivre plus qu’en vos fentes et vos raies. 1890
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Paul Verlaine
Verlaine - Femmes (1890)Oeuvres de Verlaine |