Ma santé fuit ; cette infidèle Ne promet pas de revenir, Et la nature qui chancelle A déjà su me prévenir De ne pas trop compter sur elle. Au second acte brusquement Finira donc ma
comédie ; Vite je passe au dénouement, La toile tombe, et l’on m’oublie.
J’ignore ce qu’on fait là-bas. Si du sein de la nuit profonde On peut revenir en ce monde, Je reviendrai, n’en doutez pas. Mais je n’aurai jamais l’allure De ces revenans indiscrets, Qui, précédés d’un long murmure Se plaisent à pâlir leurs traits, Et
dont la funèbre parure, Inspirant toujours la frayeur, Ajoute encore à la laideur Qu’on reçoit dans la sépulture. De vous plaire je suis jaloux, Et je veux rester invisible. Souvent
du zéphir le plus doux Je prendrai l’haleine insensible ; Tous mes soupirs seront pour vous ; Ils feront vaciller la plume Sur vos cheveux, noués sans art, Et disperseront au hasard La faible odeur
qui les parfume. Si la rose que vous aimez Renaît sur son trône de verre ; Si de vos flambeaux rallumée Sort une plus vive lumière ; Si l’éclat d’un nouveau carmin Colore
soudain votre joue, Et si souvent d’un joli sein Le nœud trop serré se dénoue ; Si le sofa plus mollement Cède au poids de votre paresse, Donnez un souris seulement À tous ces
soins de ma tendresse. Quand je reverrai les attraits Qu’effleura ma main caressante, Ma voix amoureuse et touchante Pourra murmurer des regrets ; Et vous croirez alors entendre Cette harpe qui sous mes doigts Sut vous redire quelquefois Ce que mon cœur savait m’apprendre. Aux douceurs de votre sommeil Je joindrai celles du mensonge ; Moi-même, sous les traits d’un songe, Je causerai votre réveil. Charmes nus, fraicheur du bel âge, Contours parfaits, grâce, enbompoint, Je verrai tout : mais quel dommage ! Les morts ne ressuscitent point.